Alors que le pays de Haru (l’Empire Bandchou) est en guerre avec la République de Lordland – dans une atmosphère qui fait penser à la Première Guerre mondiale -, cette orpheline est enrôlée dans l’armée. Pourquoi ? Parce qu’elle n’est pas comme tout le monde. C'est une sorcière soit une personne qui possède des pouvoirs surnaturels (la capacité à détecter les vies humaines, qu’importe les conditions de lumière, météo’… dans le cas de Haru).


Des sorcières dans l’armée ?! Cette situation a de quoi surprendre car les sorcières sont plus souvent réprimées, exécutées, stigmatisées qu’acceptées. L’histoire de l’Europe est éloquente à cet égard puisque, entre le XIIIème et le XIXème siècles, un million de personnes ont été exécutées au titre du crime de sorcellerie (1). Dans l’Empire Bandchou l’existence de sorcières et sorciers n’est au départ pas acceptée mais avec le temps (et la guerre ?), la magie est reconnue. Si certaines formes de ségrégation persistent – on ne se refait pas -, les sorciers sont acceptés… et intégrés à l’armée (c’est pratique). Il se murmure même que Lordland mènerait des expériences pour avoir ses propres sorciers et sorcières…


Haru arrive donc dans le bataillon Furusawa et là c’est le changement : ses camarades, hommes comme femmes, l’acceptent sans a priori. Le courant passe et elle se met à les considérer comme sa famille. L’ambiance sera donc bonne au sein du bataillon qui fait figure de troupe irréductible face à l’envahisseur. Haru protègera les siens en tuant les ennemis qui se présentent. Comme souvent une tuile va arriver et Haru ne va pas pouvoir protéger tout le monde. Le bataillon est décimé, il ne reste plus qu’elle.


Sa survie est donc associée à un échec. Être en vie n’est pas une bonne nouvelle ; la vengeance s’insinue dans son esprit. Elle jure de se venger de l’officier et de ses hommes qui sont responsables du massacre. Pour assouvir cette soif, Haru ne veut plus créer de liens. Sa vengeance doit être solitaire pour ne plus souffrir en voyant des êtres chers disparaître, ni être regrettée par qui que ce soit si jamais elle venait à trépasser.


Si on ajoute que Haru va rencontrer Kaoru, un jeune aide-soignant qui a le pouvoir de guérir (sous certaines conditions) et qui a été traumatisé dans son enfance l’impression se confirme : Wizard of the Battlefield n’est pas là pour révolutionner le genre. Mais en empruntant des sentiers connus, la série arrive à se distinguer.


Le manga s’avère en effet efficace pour rapidement nous proposer une histoire dynamique, sans véritable temps mort. La guerre n’est jamais bien loin. Haru est à peine remise qu’elle repart pour une mission. Surtout, elle n’a pas volé sa place de personnage principal : elle est là pour donner le rythme, une dose d’humour et en imposer lorsqu’il le faut. En dépit de son jeune âge elle ne s’en laisse pas compter, quitte à chambouler les habitudes : ainsi quand l’oncle de Kaoru commence à parler du passé de ce dernier Haru s’éloigne : ça ne l’intéresse pas. L’oncle doit alors la rattraper pour pouvoir terminer son récit et suggérer ouvertement que Kaoru et elle ne sont pas si différents et qu’ils finiront bien par s’entendre.


Haru, Kaoru et on peut ajouter l’arrivée du lieutenant Kurakata qui va diriger la section de Haru et Kaoru pour une nouvelle mission guère reposante dans la forêt de Ryokuyô. Mal rasé, récupéré presque par hasard, ce lieutenant je-m’en-foutiste en apparence est accompagné de Saibara, une jeune femme qui manie le sabre et qui le protège en toutes circonstances. Kurakata apporte avec lui quelques objectifs secrets, dont certains pourraient bien correspondre avec ceux de Haru…


Du côté des ennemis aussi on trouve quelques personnages sympathiques, notamment avec la section spéciale que dirige Elsa Schneider, son « Altesse », qui se trouve être la cible de Haru. Elle manie plutôt bien l’épée et est entourée de personnages loin d’être ordinaires, et qui excellent chacun dans un domaine particulier : Schirah a la peau dure, Burckhardt a encore de beaux restes au niveau du tir… En somme le casting n’est pas là pour faire joli et le premier tome se termine sur une note assez sombre… que les tomes à venir éclairciront ?


Pour une série courte (trois tomes), Wizard of the Battlefield commence joliment son combat. On peut lui reconnaître une efficacité certaine dans le traitement des personnages et l’avancée de l’intrigue. On tient donc entre les mangas une série agréable pour bouquiner pendant l’été et si quelques petits défauts apparaissent il n’y a là rien qui pénalise la compréhension. Si une série brève avec une héroïne à lunettes vous tente, plongez-vous dans ce manga. Haru ne vous dira pas merci mais elle le pensera.


(1) Voir Emily Oster, 2004, « Witchcraft, Weather and Economic Growth in Renaissance Europe », Journal of Economic Perspectives, volume 18, numéro 1, p. 215–228. Il semble que ces exécutions étaient fréquentes lorsque les récoltes étaient mauvaises (en partie lors du petit âge glaciaire). Les « sorcières » étant souvent des femmes seules (le cas échéant des veuves), il y aurait donc une certaine logique derrière cela : sacrifier certains individus pour que les autres aient assez à manger pour survivre…

Anvil
7
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le 13 juil. 2015

Critique lue 373 fois

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