En 1988, DC Comics organise une chasse au talent en Angleterre : des responsables éditoriaux se rendent à une convention afin de nouer des contacts pour recruter des scénaristes anglais. C'est ainsi que Grant Morrison est débauché et qu'il se voit confier un superhéros oublié de la majorité (= peu importe ce qu'il en fait) : Animal Man. Ce tome comprend les épisodes 1 à 9 publiés en 1988/1989. L'intégralité des épisodes écrits par Morrison a été regroupée en 3 tomes : (1) celui-ci, (2) Origin of the species (épisodes 10 à 17, et Secret Origins 39), et (3) Deus ex machina (épisodes 18 à 26).


Buddy Baker est un père de famille marié à Helen, père de Cliff et Maxine. Il vit dans un pavillon de banlieue. Alors que l'histoire commence, il a grimpé dans un arbre pour récupérer le chaton de Violet Weidemeir, leur voisine, épouse de Morris. Après ce haut fait d'armes, il annonce à sa femme son intention de redevenir un vrai superhéros, après une période d'inactivité (enfin plutôt après de rares périodes d'activité en tant que superhéros). Il commence à s'entraîner avec sa femme comme coach. Et il s'adjoint les services de Roger Denning (un autre de ses voisins, ayant épousé Tricia) comme responsable de ses relations publiques. Il est assez rapidement contacté par le docteur Myers qui travaille dans une des succursales des laboratoires STAR, pour examiner des singes de laboratoires agrégés entre eux. Après cette enquête, il est témoin de la mort d'un coyote anthropomorphe (épisode 5 "The coyote gospel"), puis il affronte 2 thanagariens au cours du crossover Invasion. Puis sa route croise celle de Red Mask (un supercriminel dont le toucher est mortel), et celle de Mirror Master (Evan McCullough). Enfin Martian Manhunter (J'onn J'onzz) vient superviser les 2 techniciens qui installent un système de sécurité dans la maison des Baker.


Dans l'introduction, Grant Morrison explique que la commande initiale qui lui avait été passée était de réaliser les 4 premiers épisodes pour installer le personnage avant de passer la main à quelqu'un d'autre. Il raconte une histoire un peu sombre de maltraitance d'animaux par un laboratoire peu regardant, avec la réapparition de B'wana Beast (Mike Maxwell), un superhéros oublié de tout le monde. Buddy Baker s'écarte du moule traditionnel des superhéros dans le sens où c'est un banlieusard à la carrière inexistante, sans emploi (c'est sa femme qui fait vivre le ménage), avec des voisins très ordinaires, sans ennemi récurrent, doté d'un costume à dominante orange ce qui fait que les rares individus qui s'intéressent à lui le confondent avec Aquaman. À l'issu de cette première histoire, Buddy dispose d'une personnalité spécifique, avec quelques personnages récurrents, et une motivation pour défendre les droits des animaux. Les illustrations (dessins de Chas Truog et encrage de Doug Hazlewood) n'ont rien d'exceptionnelles : elles sont purement descriptives, fonctionnelles, faciles à lire, réalistes à tendance simplifiée, juste ce qu'il faut pour donner un peu de crédibilité à cette ambiance pavillonnaire.


Et voilà que le responsable éditorial demande à Morrison de continuer à écrire la série. Ce dernier se trouve fort dépourvu sans idée de direction à donner à la série. Ce manque d'inspiration le conduit à réaliser un épisode déconnecté de l'univers partagé DC, en pastichant le principe des dessins animés de Bip Bip et le Coyote. Toujours dans l'introduction, il explique que le bon accueil réservé à cette histoire ne ressemblant à aucune autre lui a donné confiance en lui et l'a conforté dans la thématique principale de la série (que je vous laisse découvrir).


L'utilisation du Coyote est l'occasion pour Morrison de faire le lien entre l'univers fictif de DC et un autre univers fictif (celui de Chuck Jones). À partir de là, il peut établir des connexions au gré de ses envies entre Animal Man et des thèmes inattendus. Il doit se plier à l'exercice du crossover obligatoire pour l'épisode 6, et ensuite c'est parti, à lui la liberté. Il commence avec un supercriminel oublié de tout le monde : Red Mask. Il le traite comme un individu ayant veilli (la soixantaine) et devant affronter sa mort inéluctable. Il s'agit d'un criminel pathétique, peu efficace, blasé, sans grande conviction, plus gêné par son superpouvoir que réellement avantagé, plus criminel par facilité que par vocation, avec un costume jaune kitch et infantile au possible. Morrison délivre une sorte d'oraison funèbre pour ces personnages kitch de l'âge d'argent des comics. La confrontation suivante (épisode 8) avec Mirror Master se révèle également à l'opposé des conventions des superhéros. Animal Man est inefficace du début jusqu'à la fin, le lieu de l'affrontement est un pavillon familial, la victoire n'arrive que grâce à la ménagère. Quant au dernier épisode, Martian Manunter se retrouve à aider Buddy dans ses problèmes domestiques, à nouveau à l'opposé de toute menace mettant l'univers en danger, ou même ne serait-ce qu'une seule personne. Ces épisodes se lisent tout seul, Morrison a abandonné la composante horrifique présente dans la première histoire. Il règne une certaine forme de décontraction, avec quelques touches d'humour.


Les illustrations de Truog et Hazlewood participent à cette ambiance légère. Chaque action est représentée de manière simple et factuelle, avec une pointe d'humour visuel de temps à autre. Le lecteur attentif reconnaîtra même une référence à la mise en page de Dave Gibbons dans Watchmen (page 21 de l'épisode 7, un travelling avant depuis le haut d'un building vers une mare de sang sur le trottoir, en 6 cases au lieu de 9).


Alors que les couvertures de ces 9 épisodes (réalisées par Brian Bolland) portent encore le sceau de DC (et pas encore celui de Vertigo, en gestation à l'époque), Grant Morrison profite de la liberté totale qui lui est accordée pour s'éloigner très vite du modèle créé par Alan Moore sur Swamp Thing (déjà LA référence à l'époque) pour orienter la série vers des thèmes qui lui sont chers et qu'il développera tant et plus dans ses séries suivantes, à commencer par l'utilisation de personnages infantiles et ridicules de l'âge d'argent. Pour le lecteur cette orientation est à peine perceptible s'il ne connaît pas cet auteur. Il s'agit d'épisodes qui se lisent très facilement, sans le coté cérébral qui prendra le pas sur bien des œuvres de Morrison, avec des personnages très attachants. La mise en images simples est tout aussi accessible que les scénarios, peut être un peu naïve par certains cotés, mais rien qui ne gâche le plaisir de lecture.

Presence
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le 12 avr. 2020

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