On laisse carrément en suspens la fin obscure du tome 4, et on revient dans le cadre nettement moins high-tech des Keys, avec son « Overseas Highway ».

Le problème exploité par Haldeman est ici beaucoup plus humain que dans le récit précédent : Dallas Barr est mis en demeure de choisir entre sa propre immortalité et celle d’un personnage qui se présente comme sa fille. La fibre du tragique resurgit dans la saga, d’autant que, depuis qu’il a le crâne rasé et quelques cicatrices sur le visage, Dallas Barr ne fait plus preuve de cette allégresse ironique et déconneuse des Tomes 1 et 2. Il vire à la pose du témoin des horreurs du futur, un peu blasé et moyennement actif.

Evidemment, le récit joue pas mal sur le contraste d’apparence physique entre Anna vieillissante (58 ans officiels), et le toujours rajeuni Dallas Barr (la belle quarantaine artificielle et vigoureuse) (planche 9). De même, voir mourir ses propres enfants de vieillesse est également dur à digérer (planche 18).

Anna est d’autant moins fraîche qu’elle en a bavé dans sa vie ; et c’est là que Haldeman introduit le second élément majeur de son histoire : des personnages génocidaires tirés tout droit de la Serbie de Milosevic (l’album est de 2000, et la guerre du Kosovo, dans laquelle les Etats-Unis sont intervenus, s’est terminée en 1999). Donc, il y a dans l’album un vilain méchant qui trimballe sa bedaine et son flingue pour aller massacrer les petits enfants dans leur poussette (quelque part, il répond aux inquiétudes de Stileman dans le tome 4...). On a les passe-temps qu’on peut, quand la guerre est finie... Cet élément rajeunit à peine les références historiques de Stileman du tome 4, et risque de vieillir très rapidement : le lecteur d’aujourd’hui a en général d’autres centres d’intérêt que cette guerre de Kosovo...

Anna n’est pas une petite fille tendre (planche 28), bien qu’elle bave pendant son sommeil, donnant à Dallas quelque velléités d’agissements paternels (planche 32).

L’action double (qui survivra, d’Anna ou de Dallas ? et qu’en est-il du tueur de jolis bébés ?) se complique d’incertitudes : Anna est-elle vraiment la fille de Dallas ? Et voilà Dallas en train de se demander avec qui il a bien pu coucher il y a 59 ans... Le problème de la paternité et de la satisfaction que l’on a à être père est posé (planches 18 et 46). L’imbroglio génétique causé par Dallas va donner la clé du problème (planches 34 et 46).

Côté high-tech, Stileman, renfrogné mais sympa, se révèle être un bon labo d’analyse de biologie (planches 23-24), et un bon médecin (planches 45 et 46). On aime bien le drone volant-flic des planches 27 et 28, et la station orbitale de Stileman (planches 44 à 46).

Haldeman souligne toujours ses préoccupations écologiques : le climat se détraque encore plus (planche 1). Dallas Barr a trouvé un job de garde de parc naturel contre les tueurs de lamantins (planches 4 à 7). Interdiction de pêcher et images de la faune locale (planche 10). Comme on a avancé de quelques années, la Statue de la Liberté, si bien mise en valeur dans les albums précédents, a pris un coup dans la tête (planche 2).

Le procédé de Haldeman pour ses expositions (faire parler les « breaking news » télévisuelles) est certes habile (insertion d’images spectaculaires ou sexy), mais tourne un peu à la clause de style. Et sa mise en contexte de l’action (planches1 à 3) comporte des informations hétéroclites, dont toutes ne seront pas exploitées dans le récit, par exemple la « terraformation » de Mars. Mais la discipline de base est bien respectée : introduire lors d’un épisode anecdotique un élément qui va resservir plus tard (lunettes enregistreuses, planche 6).

Plus aisé à suivre que le tome précédent, cet épisode est moins étouffant, malgré la lourdeur des enjeux moraux. De beaux paysages dégagés des Keys donnent de l’air.
khorsabad
7
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le 26 mai 2013

Critique lue 204 fois

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