En 1993, DC Comics lance une nouvelle série Batman qui se situe chronologiquement au début de la carrière du Croisé en cape: « Legends of the Dark Knight ». Le but ? Permettre aux scénaristes de se libérer de la pesante continuité de l'univers DC. Entre ses 87 ennemis principaux, ses 23 Robin et les diverses catastrophes qui auraient déjà rendu fou n'importe qui, Batman était devenu assez difficile à écrire, à l'instar de bon nombre de ses collègues... Cette série faisait alors office de véritable coup de fraicheur !


Pour les premiers numéros, il fut décidé d'écrire des histoires d' Halloween. Deux jeunes auteurs se lancèrent dans l'aventure, entamant une collaboration qui accouchera de quelques-un des plus grands comics de super-héros. Vous avez bien sûr reconnu Jeph Loeb et Tim Sale, vous êtes vraiment très forts...


La première histoire, « Peur » confronte Batman à l'un de ses ennemis les plus intéressants: l'Epouvantail. Autant le dire tout de suite, ce brillant antagoniste est ici particulièrement mal utilisé. Il ne fait que fuir devant la masse schwarzenegerienne de Batman en déblatérant des comptines enfantines censées nous prouver qu'il est fou. Et le Chevalier Noir, pendant ce temps-là, surenchérit avec panache dans l'absurdité en gueulant sans cesse des « Rends-toi Epouvantail ! ». Bref, course-poursuite et monologues proches de la débilité. Ces séquences d'action n'ont donc aucun intérêt. Ce qui interloque, ici, c'est plutôt la relation amoureuse que noue Batman avec une jeune femme... qui lui donne envie d'arrêter toutes ces conneries de justicier masqué pour enfin vivre une vie normale.


Histoire courte oblige, l'analyse n'est pas poussée particulièrement loin, mais il y a de l'idée. La remise en question du héros fait plaisir, son ras-le-bol ne le rendant que plus humain. Précisément ce dont a besoin Batman, trop souvent dépeint par les scénaristes dans une rigidité psychologique qui le rend parfois un peu trop prévisible.


Deuxième histoire courte, « Folie », met cette fois en avant le Chapelier Fou... qui n'arrête pas de courir en déblatérant des passages d' « Alice au Pays des merveilles ». Oui, il y a comme un vague sentiment de déjà-vu, je vous le concède. Même si la situation est cette fois plus raccord avec le personnage, je ne peux m'empêcher d'être déçu de constater l'utilisation abusive d'une telle ficelle pour éviter d'écrire de vrais dialogues entre Batou et ses ennemis. L'intérêt, encore une fois, réside dans les réactions psychologiques du Chevalier Noir qui voit dans le Chapelier une sorte de profanation du dernier souvenir heureux de son enfance. Très bien vu, même si on se retape la mort des parents...


En parallèle, on suit l'arrivée de Barbara Gordon à Gotham alors qu'elle n'était qu'une adolescente. Les disputes entre Barbara et son père adoptif sombrent un peu dans le cliché de l'ado rebelle, mais le tout n'est pas dépourvu d'une certaine touche de sensibilité. Sympathique.


Nous terminerons avec « Spectre », qui n'est rien d'autre qu'un enième remake du Noël de Scrooge de Dickens. Pas très bien équilibrées, les rencontres avec les fantômes du passé, du présent et de l'avenir amènent cependant une touche de positivité bienvenue dans l'univers gothique de Batman. En outre, l'histoire s'insère parfaitement dans la chronologie officielle via le personnage de Lucius Fox, indispensable à la crédibilisation du personnage de Bruce Wayne. Cerise sur le gâteau: l'apparition du Pingouin... qui parle normalement ! Et qui vole aussi... Oui, je n'ai jamais dit que tout était parfait...


Premiers travaux « batmanesques » d'un duo de choc, ce « Halloween Special » augure de tout un tas de subtilités en gestation chez le scénariste et d'une utilisation impressionnante de l'espace chez le dessinateur, encore un peu maladroit sur ce run initial. Rien d'indispensable, en somme, mais un chouette moment de lecture que voudront tenter la plupart des fans de Batman.

Amrit
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le 4 mars 2015

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Amrit

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