Ne le nions pas, Julie Maroh est devenue mondialement célèbre grâce au succès du Bleu est une couleur chaude, œuvre grandiose s'il fallait le préciser. Corps Sonore offre également la beauté graphique du coup de crayon de Maroh, coup de crayon incroyablement beau, il faut le dire. Visuellement on a une œuvre qui a une réelle personnalité. La thématique principale est l'amour, là encore une classique.
Sauf que c'est à peu près tout.
Corps Sonores raconte 22 courtes histoires (on oublie souvent le prologue). Seuls points communs : Montréal durant un an, de juillet à juillet. Maroh en profite pour faire découvrir cette ville qu'elle aime tant, même si cette découverte reste superficielle et que l'important reste les histoires d'amour et non le paysage.
Certains lecteurs ont apprécié ce côté « anglophone » mais pour ma part je trouve que ça n'a rien de spécial : il est normal qu'un auteur raconte cela. C'est aussi spécifique que n'importe quelle autre BD finalement.
Le gros problème de ce tome est que l'on se concentre sur les histoires, des histoires courtes, éphémères, à l'intérieur de couples ayant des vécus. Nous n'avons que quelques pages pour découvrir l'histoire, le début, sa fin, les personnages. Difficile de s'attacher dès lors.
C'est jeter à l'oeil du lecteur dans une superficialité absolue, aucune prise où saisir, aucun moyen de s'attacher. Même si Maroh sait parfaitement écrire des relations, c'est ici trop superficielle pour qu'on aime réellement cela.
On aimerait en savoir plus. Bien des récits mériteraient un développement, mais finalement beaucoup d'histoires sont juste moyennes. Pas folles, rien d'exceptionnelles, des choses déjà lues mille fois.
Heureusement certaines histoires sonnent justes, souvent en offrant énormément plus de contenues que les autres, mais la majorité tombent à l'eau par leur superficialité. Ce n'est pas que c'est mauvais, c'est vraiment que c'est difficile de trouver cela exceptionnel. C'est une anthologie d'histoire d'amours où l'on nous crache à la gueule « on parle d'amour ». Mais comment ressentir l'amour quand la majorité des histoires en parlent mais ne le montrent guère.
Le couple homo qui se drague en boite et la découverte d'une transexualité sont vraiment les deux meilleurs récits pour moi. Le premier doit être éphémère dans son style et le second contient énormément d'informations, permettant de s'attacher.
L'argument principal de ce tome est de contenir énormément de minorité : polyamour, gay, lesbienne, asiatique, noir, malade. Sauf que c'est un peu le seul argument.
Cela pose la question de la représentation des minorités : il faut plus de présence. Aucun doute dessus. Mais je trouve que c'est rarement uniquement cela, c'est certes souvent un trait essentiel, mais il y a une histoire derrière. Sauf que dans ce tome c'est vraiment parfois la seule chose donnée. Rien de plus, juste ça.
Personnellement je me sentirai frustré si j'étais polyamoureux de lire ça par exemple. Ce n'est pas forcé et je n'entends pas prendre la parole des concernées mais est-ce que c'est pas juste deux vagues histoires dessus dans une superficialité absolue ? Superficialité liée non à la méconnaissance de Maroh mais bien au format.
La majorité de ces récits sont trop courts, on aimerait en avoir plus, on aimerait voir justement ces personnages issues de minorités pouvoir s'exprimer. On voudrait des pages entières dessus et ne rien taire. Ici dans ce melting-pot on a l'impression qu'on nous dit « on est tous différent, mais on n'a rien à dire ». Finalement c'est en laissant tout s'exprimer, que Maroh n'a le temps de rien dire.
Une histoire très creuse qui n'évoque pas grand-chose, ni d'un point de vue sociétale ni d'un point de vue émotionnel.
Dans les deux cas, il y a mille BD plus fortes à lire.