Dracula
7.7
Dracula

BD franco-belge de Georges Bess (2019)

Le comte Dracula a marqué de son empreinte l’antre culturel et populaire d’innombrables œuvres littéraires et cinématographiques. Avec ce Dracula, Georges Bess tente de faire revivre le récit du mythique vampire. Avec brio et noirceur.


Sous cette épaisse couche de technique, où le dessin déverse à chaque page (ou double page) sa virtuosité et son sens de la théâtralité, Dracula de Georges Bess, à titre d’exemple, semble bizarrement parfois moins téméraire, moins enlevé et moins romantique que l’adaptation faite par Francis Ford Coppola. Peut-être plus scolaire et « respectueux » dans sa manière d’inscrire le mythe vampirique dans l’imagination collective mais ayant, pourtant, beaucoup de personnalité et de réels atouts dans son jeu. Car derrière cette fidèle relecture de l’oeuvre de Bram Stoker, Georges Bess nous immerge dans un cadre protéiforme, qui va d’idée en idée, qui fait interférer les genres et les tonalités, et nous sert sur un plateau des planches fantastiques où le baroque se mêle au gothique avec une puissance assez rare : il n’y a qu’à suivre les effluves de Mina ou Lucy ou les déambulations de Jonathan Harker dans le vaste château de Dracula pour se sentir happer par tant de vertige, d’excentricité et de beauté.


Georges Bess nous délivre un véritable coup d’éclats, une bande dessinée d’esthète, sanguinolente et épousant le désir primitif du vampire, qui puise autant dans la symbolique lugubre et mortifère que dans la finesse du portrait. Les cases se suivent avec violence, se superposent avec fracas, se mélangent dans le chaos et se muent en mosaïque aussi difforme que fascinante. De ce noir et blanc flamboyant qui aime faire briller la lueur des ténèbres, allant de falaises désolées à des châteaux qui suintent le vice et la mort, il est impossible pour le lecteur de ne pas être émerveillé par le dessin de Georges Bess. Il y a une telle envergure, une telle liberté dans les traits, un tel sens de la mise en scène, avec un Dracula, plus animal, bestial, dandy et corrosif que jamais, que ce Dracula devient un bijou graphique et réinvente presque à lui seul, le visuel du livre de Bram Stoker. Nous pourrions presque admettre qu’il y a deux propositions dans le geste spectral du dessinateur.


Il y a ceux qui connaissent l’œuvre de Bram Stoker et ses multiples adaptations, et qui trouveront sûrement en ce Dracula une possibilité de revivre le mythe avec fougue, où l’auteur arrive à faire ressentir ce vide, ce sentiment de mort et de dégénérescence comme peut le faire Manu Larcenet dans des œuvres comme Blast voire Le Rapport de Brodeck, ou Mike Mignola avec la saga Hellboy. De l’autre coté, il y a ceux qui ne connaissent peut-être pas le roman épistolaire de Bram Stoker et qui avec cette bande dessinée, mettront les pieds dans un récit plein de désolation, qui juxtapose la mort et le désir charnel, ténèbres amoureux et récit épique d’aventure. Dans les deux cas, George Bess réussit son pari, et fait ressortir Dracula de son cercueil pour le voir se métamorphoser et hanter les pages de cette œuvre et son ambiance victorienne et tétanisante. Une créature de la nuit qui n’a pas fini de nous faire goûter le sang de ses entrailles.


Article sur LeMagducine

Velvetman
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 2 mars 2020

Critique lue 353 fois

17 j'aime

Velvetman

Écrit par

Critique lue 353 fois

17

D'autres avis sur Dracula

Dracula
Velvetman
8

L'esthétique du chaos

Le comte Dracula a marqué de son empreinte l’antre culturel et populaire d’innombrables œuvres littéraires et cinématographiques. Avec ce Dracula, Georges Bess tente de faire revivre le récit du...

le 2 mars 2020

17 j'aime

Dracula
jerome60
8

Critique de Dracula par jerome60

Une incroyable adaptation du roman de Bram Stoker ! Incroyable de fidélité tant les personnages, la chronologie et les événements collent à l’original. Incroyable dans la restitution à la fois...

le 30 avr. 2023

2 j'aime

Dracula
Le-Maitre-Archiviste
10

Hommage vampirique

Après avoir détaillé les qualités de l'œuvre d’origine, il est intéressant de jeter un regard vers l’avant afin de voir si, encore aujourd’hui, l’icône de Dracula fascine toujours. Après tout, trente...

le 21 janv. 2023

Du même critique

The Neon Demon
Velvetman
8

Cannibal beauty

Un film. Deux notions. La beauté et la mort. Avec Nicolas Winding Refn et The Neon Demon, la consonance cinématographique est révélatrice d’une emphase parfaite entre un auteur et son art. Qui de...

le 23 mai 2016

276 j'aime

13

Premier Contact
Velvetman
8

Le lexique du temps

Les nouveaux visages du cinéma Hollywoodien se mettent subitement à la science-fiction. Cela devient-il un passage obligé ou est-ce un environnement propice à la création, au développement des...

le 10 déc. 2016

260 j'aime

19

Star Wars - Le Réveil de la Force
Velvetman
5

La nostalgie des étoiles

Le marasme est là, le nouveau Star Wars vient de prendre place dans nos salles obscures, tel un Destroyer qui viendrait affaiblir l’éclat d’une planète. Les sabres, les X Wing, les pouvoirs, la...

le 20 déc. 2015

208 j'aime

21