De loin, Franken Fran ressemble à une version féminine de Black Jack, avec une humanité plus absente et des dons encore supérieurs. D'un côté, cela signifie que médicalement, elle peut faire tout et n'importe quoi. De l'autre, cela veut dire qu'elle ne connait aucune limite, pas même celles du bon sens. Fran est une sorte de mauvais génie, même si nous pouvons difficilement lui reprocher de le faire exprès (bien qu'elle montre parfois un léger aspect sadique) : si la personne ne fait pas attention à ce qu'elle souhaite, le résultat peut être catastrophique. Voire même carrément horrible.
Car ce manga, derrière son synopsis légèrement influencé par Black Jack, cache en réalité un contenu extrêmement glauque, macabre, et foutrement malsain ! Humains transformés en créatures difformes, morts extrêmement violentes, torture psychologique, le mangaka se permet les délires les plus fous et les plus perturbants.

Fran remplit des contrats, parfois elle s'amuse à mener des expériences éthiquement inadmissibles – heureusement, elle n'a aucune éthique – ou essaye de "rendre service", mais derrière toute sa bonne volonté, elle n'a pas le sens commun nécessaire pour comprendre quand elle dépasse les limites, ou quand elle réalise des monstruosités. Dans son esprit : "tant que c'est vivant, le client est content" ; mais c'est une vision qui ne prend pas en compte la complexité de l'être humain.

Le meilleur moyen de résumer ce manga serait celui-ci : c'est un manga médical, mais un manga d'horreur. Je vous laisse imaginer le résultat. C'est un titre vraiment perturbant ; le milieu médical, les opérations, cela peut déjà retourner l'estomac en temps normal – vous avez déjà respiré de la poussière d'os issue d'un vieillard de 80 ans dont on découpe le sternum à la scie électrique ? moi si – mais là, c'est limite traumatisant.

Chaque chapitre relate une histoire de Fran, et il y a fort à parier que cela va mal se finir, que les personnages finiront difformes, horriblement mutilés, marqués à vie s'ils survivent, et autres joyeusetés. Sans oublier que la plupart des patients souffrent de pathologies graves à l'origine, et certaines sont particulièrement moches. Pourtant, il s'agit aussi d'un manga humoristique. Parce que le personnage de Fran – légèrement à côté de la plaque, dévouée mais dangereuse, et dotée d'un corps en pièces détachées – est drôle en lui-même ; et comme elle se trouve au centre de l'histoire, forcément, nous obtenons une forme d'humour qui vient encore renforcer le côté absolument glauque de ce manga.

Evidemment, pour apprécier tel spectacle, il faut avoir l'esprit ouvert – ou vicié, au choix – et des valeurs morales pas trop envahissantes. Le cœur bien accroché, aussi, ça aide. Et ne pas trop manger avant ou après sa lecture. Oui, c'est aussi monstrueux que ça.
Heureusement, plus le temps passe, plus le mangaka s'assagit ; cela ne devient jamais du Black Jack, mais tout de même moins immonde. Enfin, je dis "heureusement"... Je trouve cela un peu dommage. Le début est vraiment exceptionnel, dans le sens où il marque durablement l'esprit du lecteur ; il s'agit d'une œuvre dérangée et dérangeante, mais plutôt ambitieuse dans les horreurs qu'elle présente. Ensuite, cela devient progressivement moins ignoble, donc moins marquant. Le côté "musée des horreurs" se trouve moins prononcé. J'en suis assez rapidement venu à regretter l'immoralité crasse des premiers chapitres. Je ne vais pas dire que c'est édulcoré dans la mesure où l'ensemble reste assez gore, mais je sais que si j'ai accroché à ce titre, c'est pour ce qu'il avait à m'offrir au début (puisque la lecture d'un livre commence généralement par le début) ; donc devenir plus "gentil", c'est décevant. Cela reste plus que lisible, mais beaucoup moins marquant. Se faisant, cela finit même par devenir carrément lassant...
Ninesisters
7
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le 5 mars 2012

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