Freesia
6.9
Freesia

Manga de Jirō Matsumoto (2010)

Freesia est un seinen qui part d'un thème classique : la vengeance, mais abordé avec plus d'originalité.

En effet, dans un Japon d'anticipation, en guerre contre « une force impérialiste chrétienne », la vengeance personnelle est maintenant légale et encadrée. La loi permet à la famille d'une victime d'assouvir sa vengeance contre l'auteur du crime. D'ailleurs cette notion ne tient pas du tout compte du fait que le criminel soit repenti ou pas ou ait purgé sa peine.

La personne souhaitant se venger peut le faire elle-même ou faire appel à des « exécuteurs suppléants de vengeance » (emploi qu'occupera notre héros). La cible de cette vengeance peut, elle, faire appel à des protecteurs pour se défendre. Tout ça est très réglementé; le tribunal fournissant une arme à la cible et communiquant un créneau pour effectuer la vengeance.

Évidemment, on pense rapidement à Ikigami, préavis de mort pour le coté « meurtre légal et suivi » et annonce très minutée de l'évènement à venir, mais on en est très loin. Freesia est beaucoup plus dérangeant, glauque et subversif.

On va suivre Hiroshi, un personnage très dérangé, énigmatique et qui semble ne pas ressentir grand chose, pour ses premiers pas en tant qu' »exécuteur suppléant de vengeance ». Il semble d'ailleurs posséder certaines prédispositions, encore un peu floues.

Au travers de deux missions, on va mieux comprendre comment fonctionne cette règle et comment elle est appliquée. On verra que ces exécuteurs et ces protecteurs ne fonctionnent pas tout à fait de la même façon, et qu'il y a une certaine corruption. Les missions sont menées sans une once de compassion, et la violence est présente du début à la fin.

Cette immersion dans ce corps de métier est assez éprouvante et dure. C'est assez malsain, et le lecteur, dès les premières pages (le tome commençant par un viol), ressent une sensation de malaise, qui ne plaira pas à tout le monde.

Tout fait que cette sensation ne le quitte pas; que se soit par la thématique abordée, ce qui nous est concrètement montré, le coté dérangé des personnages (Hiroshi en tête) ou le graphisme.

Au niveau de ce qui nous est montré, rien ne nous est épargné. Nous avons le droit à des scènes de violence réalistes, dérangeantes. C'est le coté froid, le réalisme de la scène et le manque total de remords qui peut choquer. Il n'y a pas des hectolitres de sang, des membres arrachés à toutes les pages, des boyaux tapissant les murs, mais c'est quand même assez perturbant.
Le sexe est explicite aussi. Hiroshi et sa copine Keiko ont régulièrement des relations sexuelles, qui nous sont clairement montrées avec pénétration et préliminaires, Keiko se tapant aussi un ami... Les sexes sont apparents mais floutés, et tout est montré explicitement, rien n'est suggéré. D'ailleurs, choses rares dans un manga, les poils pubiens sont présents.

Il y aussi quelques scènes de viols malsaines et qui mettent mal à l'aise.

Par contre, cette présence de sexe est un peu excessive et ne sert pas forcément le récit. C'est même plus du fanservice à ce niveau là, mais plus du racolage. Autant les viols peuvent se justifier pour le scénario et pour créer l'ambiance, autant les frasques de Keiko, moins déjà.

Les personnages contribuent à cette atmosphère glauque. Hiroshi est dérangé, mystérieux et fait froiddans le dos. Son « formateur » se prend pour un lion aimant chasser les « zèbres » et lui aussi a de sacrés problèmes psychologiques. La petite amie d'Hiroshi a une sexualité débordante (pour pas dire nympho sur les bords) et qui prend plaisir dans le risque.

Les personnages ont donc tous de sérieux problèmes. Concernant Hiroshi, c'est un anti-héros, pas agréable une seconde, qui semblent posséder des dons particuliers et qui surtout a un passé trouble, qui s'éclaircit un peu à la fin du volume.

Les graphismes aussi contribuent à cette ambiance si particulière. Le style de Jiro Matsumoto est très particulier et divisera. Personnellement, je n'ai pas aimé. Même si c'est probablement l'effet recherché, je trouve que les traits sont sombres, pas finis, sales, chargés... On a l'impression qu'il n'y a pas d'encrage. Les personnages et décors sont crayonnés, et de façon visible, avec une surcharge de traits/ hachures. Du coup le charadesign n'est pas terrible, les contours ne sont pas clairs, c'est brouillon, et il arrive que les expressions fassent vides.

Vous l'aurez compris c'est très particulier, mais il faut reconnaitre que ça sied au style. C'est glauque, sale et renforce le coté dérangeant.

Mise à part ça, la mise en scène est quand même soignée et le choix d'angle sur certaines cases se montre intéressant.

Pour conclure, le fait que ce manga soit emballé donne un indice sur le contenu, qui n'est pas adapté à tout le monde. Au travers de l'histoire, des personnages, des scènes montrées (qu'elles soient violentes ou sexuelles), il en ressort une ambiance perturbante, malsaine, et qui ne laisse pas indifférent le lecteur.

Néanmoins, le sujet de réglementation de la vengeance, les mystères entourant les personnages et les possibilités de développement font que ce titre demeure intéressant et prometteur.
Mais c'est tellement particulier, que ça ne plaira pas à tout le monde.
Personnellement, je ne sais pas trop quoi en penser. Je trouve qu'il y a du potentiel, encore de nombreux mystères, avec un personnage qui fait froid dans le dos, mais le coté extrême m'a dérangé. Ce titre ne m'a pas laissé de marbre.

A découvrir, mais en sachant que c'est perturbant et trash.
Kameyoko
6
Écrit par

Créée

le 13 déc. 2010

Critique lue 448 fois

1 j'aime

Kameyoko

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