Giant, tome 2
7.2
Giant, tome 2

BD franco-belge de Mikaël (2018)

Belle histoire, bien brossée.

Au pied levé, et parce que la série était courte, j'ai décidé de prendre les 2 opus de Giant.
L'idée de se retrouver en plein chantier du Rockefeller Center avait quelque chose d'envoûtant et le trait était suffisamment attrayant pour se lancer.
Le premier tome nous lance sur un faux rythme un peu désarçonnant. J'ai eu la sensation très claire qu'il manquait une voix subjective. La voix off du speaker n'apporte pas grand chose à mon sens. En effet, il déblatère essentiellement des infos très factuelles (élections, combat de boxe, météo...) qui, certes, raviront les historiens les plus zélés à coup de name-dropping (Hoover, Laguardia...) mais laisseront sur leur faim les lecteurs qui souhaitent s'attacher à l'histoire qui leur est racontée. D'ailleurs, ces interventions radiophoniques sont très fréquemment en décalage complet avec la narration et tombent souvent à plat. En revanche, les échanges épistolaires sont plutôt bien dosés et collent au récit. Les personnages sont bien brossés mais l'inconvénient du premier tome réside avant tout dans le fait qu'il trace les jalons de l'histoire sans insuffler de réel suspense. Dans la violence de la scène final, on lirait presque la volonté de nous laisser purement sur quelque chose de choquant, alors même que rien ne nous laissait imaginer que cela pouvait arriver. Comme pour essayer de combler ce qui restera un vrai manque de rythme, donc, heureusement compensé par la beauté des planches.
Le 2e tome vient réellement donner du corps à l'intrigue. Je me suis rendu compte très rapidement de la raison pour laquelle Mikaël n'avait a priori pas utilisé la voix subjective de Giant pour son récit. Personnage hautement taciturne, il eut été intéressant de l'entendre s'exprimer intérieurement. Mais vient le moment où je me demande si j'ai raté un truc ou pas... En gros,


sommes nous censés savoir que Giant n'est pas vraiment le destinataire des lettres de Mary Ann ? En relisant, on se rend compte que c'est a priori éloquent, mais si on ne fait pas trop gaffe au nom du type qui meurt sur le chantier et si on ne s'arrête pas sur le fait que Giant est en train de lire des lettres qui sont dans le sac du défunt (oui, ça commence à faire beaucoup, j'en conviens...), on jurerait que ces lettres lui sont adressées et que, pour une raison qu'on ignorerait, il aurait arrêté la correspondance.


La lecture globale en est bouleversée : ce qui se doit d'être un élément perturbateur dans le schéma narratif déployé par Mikaël devient une véritable révélation quand


Mary-Ann finit par rejoindre NYC et croise Giant à son appartement.


Je n'ai pas essayé de relire l'album en connaissant l'intrigue, mais il me semble que la réception en sera vraiment modifiée, auquel cas je ne manquerai pas de faire évoluer cette critique.
En dehors de l'intrigue principale de la correspondance entre Giant et Mary-Ann, quelques péripéties viennent scander le récit sans le relever franchement.
Une dernière intervention du speaker vient clore le diptyque, faisant écho à son intervention inaugurale. L'effet voulu est là, mais peine à convaincre... J'aurais aimé, à titre personnel, qu'on retrouve ce speaker, en off, au cours des deux albums, ou au minimum à la fin du premier et au début du deuxième tome. Là, on a presque eu le temps d'oublier qu'il s'était adressé à nous au tout début de l'histoire. Il y paraît tout à fait étranger. On sent une volonté très cinématographique de la part de Mikaël et, par la-même, très romanesque. Mais pour moi, elle n'a pas fonctionné.
Je retiendrai donc un très beau double album, abouti dans les détails et dans l'atmosphère graphique qui y est dressée. Une jolie histoire, un drame du quotidien, en immersion dans le New-York des années trente, qui se déploie au travers d'une narration plutôt bien léchée, au format peut-être un chouilla court.
7,5 de moyenne pour les 2 tomes me semble indiqué.

Erroll
8
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le 11 févr. 2018

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Erroll

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