Goth
6.5
Goth

Manga de Otsuichi et Oiwa Kendi (2006)

Quand je me suis renseigné sur la saga de films Guinea pig et que j'ai découvert qu'à la base c'était censé être des adaptations des mangas de l'auteur Hideshi Hino, j'ai cherché certaines des ses œuvres sur Senscritique, et suis tombé sur des listes de mangas trashs. J'ai immédiatement été tenté par beaucoup d'entre eux, je voulais les lire, et en commençant dès que possible. J'ai choisi de débuter par celui au titre le plus tentant, bien qu'il ne soit pas le mieux noté : "Goth".
L'histoire de deux adolescents, une fille et un garçon, fascinés par la mort, en gros. Cool.
J'ai pas attendu pour commander le manga.

Dès la première page, un truc m'a posé problème.
L'un des héros tourne la tête, supposément vers la fille à coté de lui mais à la case suivante il a la tête tournée dans la direction opposée, sans indication d’un mouvement.
En fait dans tout le manga il y a des passages où l’action est difficile à comprendre, ou dans lesquels on ne sait pas à quoi correspond telle ou telle image ; par exemple, à un moment quand le garçon, Itsuki, parle de Morino, c’est illustré par une image d’elle difficile à décrypter où elle est en compagnie d’un type en blouse. En réalité le prof de chimie, qui n’a pas encore été introduit dans l’histoire. C’est censé être un flashforward ? En tout cas c’est très troublant.
Vers la fin du manga, l’auteur joue sur le fait que les dessins soient si peu compréhensibles, en faisant passer pour un certain personnage un autre, dessiné exactement comme lui, du moins jusqu’à ce que son identité soit dévoilée. Je trouve ça trop facile.
C’est dommage car le trait du dessinateur en lui-même n’est pas mauvais, c’est juste qu’il ne sait pas illustrer un récit.
On n’est pas perdu seulement à cause des dessins, le texte aussi est curieux, des fois on a l’impression qu’un personnage dit un truc en réaction à quelque chose, mais on ne sait pas quoi.
L’exposition des personnages est très simpliste, au début du récit des élèves parlent du tueur surnommé "le coupeur de mains", et l’un d’eux désigne la fille goth de la classe en disant que ça pourrait être elle ce tueur. Un autre répond "oui, mais elle est canon". Hein ? Quel rapport ? C’est pas du tout naturel comme enchaînement.
Les sujets s’enchaînent bizarrement dans les dialogues, comme s’il y avait des ellipses à notre insu.
Très troublants aussi : ces détails comiques inappropriés, comme ces élèves qui se battent en arrière-plan d’un échange entre Morino et Itsuki, ou une scène où le héros, alors qu’il cherche des cadavres en forêt avec sa camarade, se met à penser "ta gueule"…

La construction de la relation entre les deux héros et leur caractérisation sont nulles, et pleines de clichés. L’auteur se sent obligé de tout faire passer par des idées morbides : Morino aborde Itsuki la première fois en lui demandant à faire ce regard qu’il a (un regard vide), et plus tard on ne les voit que discuter de choses comme la meilleure façon de tuer quelqu’un.
Un peu de nuance n’aurait pas fait de mal, les gens fascinés par la mort ont, comme tout le monde, plusieurs facettes.
Ce qui fait vraiment se rendre compte à quel point l’auteur se méprend, c’est quand, page 157, il fait dire à la fille "Nous avons la même passion pour la noirceur de l’âme humaine. La minutie, le détachement et la cruauté de certains meurtriers nous fascinent... on appelle souvent les gens comme nous des gothiques". Ca n’a aucun rapport, c’est bête et réducteur. L’auteur enfonce le clou quand, en post-face, il résume les gothiques à des gens qui "s’habillent en noir, se maquillent et portent des crucifix et des crânes en argent". Goth fait donc partie des œuvres où l’auteur décide d’aborder un sujet à propos duquel il n’a que des préconceptions.
En tout cas, l’auteur a soit fait des recherches plus poussées sur les tueurs en séries, ou a simplement une bonne compréhension de leur fonctionnement.
Sans qu’il soit lui-même un tueur, Itsuki, qui arrive plusieurs fois au cours de l’histoire à retrouver la piste de tueurs, partageant un peu le même raisonnement, fait preuve en début de récit d’une fascination pour Morino qui s’apparente à celle que peuvent avoir des serial killers pour leurs victimes.
Itsuki est frappé par l’image de la pâleur du bras de la jeune fille qui contraste avec le noir de sa manche. Sur le poignet, il y a une cicatrice qu’il compare à un éclat de faïence. Le désir se mêle au morbide ; l’obsession et le désir du garçon pour Morino se traduisent par une envie de posséder la personne, se l’approprier, un peu comme lorsqu’on se met en couple. Sauf que pour lui, ça ne peut fonctionner ainsi, il imagine posséder littéralement, non pas demander la main de la fille mais la lui prendre, de la même façon que le tueur qui sévit au début de Goth, "le coupeur de mains", qui avait sûrement le même type de raisonnement.
Ca m’a un peu évoqué le tueur Issei Sagawa qui, incapable de conquérir une femme autrement, s’était résolu à la posséder en la tuant pour la manger ensuite.
Quant à Morino, sa fascination pour la mort et les crimes horribles passe à un moment par le fait qu’elle s’habille comme la dernière victime du Coupeur de mains.
Là, dans cette description de cette fascination morbide, l’auteur voit juste.
Par le biais d’Itsuki, Otshuichi montre sa compréhension du fonctionnement de certains tueurs, étant donné que le personnage du manga arrive à découvrir l’identité de plusieurs meurtriers en se mettant dans leur tête.
Ce qui est con, c’est qu’à chaque fois, il raconte tout son raisonnement à la personne qu’il suspecte. Et le premier serial killer avec qui il fit ça, au lieu de le tuer… il se barre, simplement.
Morino, kidnappée plusieurs fois par les tueurs, est libérée, sans avoir l’air plus affectée que ça.
Bizarrement, elle n’arrête pas de se faire enlever, et les deux héros semblent vivre dans un quartier où il n’y a que des psychopathes. C’est vraiment n’importe quoi.
Au moins, on a droit, grâce à un des serial killers, à des plans bien trashs et inventifs (morceau de visage par terre, doigts collés sur le sol, fille attachée à un arbre avec ses tripes et la tête dans le bide, etc).

Goth a quelques éléments qui me séduisent, mais m’a beaucoup énervé par son absurdité et l’incompréhension de ses personnages par l’auteur.
Pas de chance pour lui, le manga s’achève sur une note qui m’a particulièrement déplu : Itsuki qui s’en va en disant à Morino "Si jamais tu veux mourir, tu peux compter sur moi pour te tuer".
C’est complètement con. Je regrette vraiment ces caricatures en guise de personnages principaux, totalement dénués de nuances : l’un est un meurtrier potentiel, l’autre a un passé très sombre ; j’aurais aimé que l’auteur prenne en compte le fait qu’on puisse être goth et/ou avoir une fascination pour les sujets morbides sans être dans de pareils extrêmes.
Fry3000
4
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le 8 avr. 2013

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