Au milieu des années 50, on avait laissé le jeune Jonas Fink en fâcheuse posture. M. Pinkel, le libraire pour lequel il travaillait à Prague, venait d’être arrêté par la police politique du régime, tandis que la peine de prison de son père, déclaré "ennemi du peuple", avait été prolongée de 10 ans, précisément au moment où sa libération semblait enfin se rapprocher. Mais le pire était encore à venir pour Jonas. Alors qu’il espérait prendre la fuite avec sa petite amie Tatjana, la fille d’un haut dignitaire soviétique, il apprenait que celle-ci avait été renvoyée à Moscou par ses parents… Plus de dix ans plus tard, en août 1968, on retrouve un Jonas Fink qui a bien changé. Désormais presque trentenaire, il a repris la librairie de M. Pinkel et vit en couple avec Fuong, une pétillante docteure vietnamienne. Dans la foulée du printemps de Prague, qui a amené l’abolition de la censure de la presse et la révision des procès politiques, un vent de liberté souffle enfin sur la Tchécoslovaquie. Jonas et Fuong profitent pleinement de ce bonheur nouveau et se réjouissent des nombreuses initiatives culturelles qui fleurissent dans les rues de Prague. Certes, le jeune libraire n’arrive toujours pas à faire réhabiliter son père, décédé quelques années plus tôt, mais les choses semblent aller dans le bon sens pour son pays et pour lui. Hélas, une fois de plus, ce bonheur sera de courte durée, puisque quelques semaines plus tard, l’URSS décide d’envoyer l’Armée rouge et ses chars pour soumettre les Praguois et les ramener dans le droit chemin du communisme. Dans le même temps, Jonas apprend que Tatjana, son amour de jeunesse, est de retour à Prague en tant que journaliste pour un quotidien soviétique…


On avait fini par ne plus y croire! Plus de vingt ans après la sortie de "L’enfance" puis de "L’apprentissage", les deux premiers tomes de la série Jonas Fink, voici enfin la conclusion de l’histoire du jeune Praguois imaginé par Vittorio Giardino. Pour ceux qui s’en souviennent, la version française de Jonas Fink était parue pour la première fois en 1994 dans le défunt magazine "A suivre". Cette dénonciation poignante du système totalitaire dans l’ex-Tchécoslovaquie avait immédiatement marqué les esprits. La preuve: le premier tome de la série avait reçu l’Alph-Art du meilleur album étranger au festival d’Angoulême en 1995. Mais depuis la sortie du deuxième tome début 1997, on n’avait plus entendu parler de Jonas Fink. On pensait donc qu’on ne connaîtrait jamais la fin de l’histoire. C’était sans compter sur Vittorio Giardino. A plus de 70 ans, le maître italien a retrouvé le feu sacré pour conclure son récit avec style et signe un troisième et dernier tome de 160 pages, baptisé "Le libraire de Prague". Pour accompagner cette sortie événement, les éditions Casterman en ont profité pour rééditer les deux premiers tomes en un seul volume, intitulé "Ennemi du peuple". Ces deux beaux livres, qui apparaissent d’ores et déjà comme indispensables dans toute bonne bédéthèque, sont l’occasion de retrouver avec plaisir les magnifiques dessins de Giardino, qui mérite à coup sûr d’être considéré comme l’un des grands noms de la bande dessinée italienne, au même titre qu’un Hugo Pratt ou un Manara. A noter que cette fin de Jonas Fink n’est sans doute pas celle que Giardino aurait imaginée s’il l’avait dessinée il y a vingt ans, l’auteur ayant clairement perdu une partie de ses illusions quant aux bienfaits de la chute du rideau de fer. "Mon optimisme naïf d’alors me faisait imaginer un futur dans lequel, les uns après les autres, tous les murs tombaient et toutes les frontières disparaissaient. Ca n’a pas l’air de s’être produit…", regrette-t-il, dans la préface du "Libraire de Prague".


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matvano
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le 13 janv. 2018

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