Si dans les genres du manga, il en est un qui parvient rarement à sortir du lot, c'est bien le survival game. Et j'ai toujours trouvé ça dommage. Même déprimant. Je me prends parfois à imaginer un manga qui transcenderait le genre. Qui lui rendrait ses lettres de noblesse. Un thriller psychologique intense, où régnerait une ambiance poisseuse, froide, désespérée, qui sortirait de ses pages, refroidirait le dos du lecteur, rendant glaciale son canapé, même en pleine canicule. Un manga qui ne serrait pas juste un enchaînement de situations décrites des centaines de fois, se complaisant dans sa violence gratuite. Une oeuvre qui ne déverserait pas des flots d'hémoglobines gratuitement pour montrer du gore, mais qui saurait jouer avec, l'utiliser par touches, glaçant encore plus l’atmosphère de sa couleur chaude.


Vous l'aurez devinez, après avoir fini King's Game, je n'ai pu que penser "dommage, une autre fois peut être."


King's Game nous plonge dans une classe de lycée japonnais, comme tant de mangas avant lui. Le héros, un brun ténébreux aussi bas de gamme que classique, reçoit un message, venant d'un certain roi, ordonnant à deux de ses camarades de s'embrasser. Au début, la classe trouve ça marrant, mais rapidement, la situation vas dégénérer, et ils se rendront bien vite compte que leur seule issue est la mort: pas d'abandon.


Ce manque d'originalité dans la situation de base n'est pas un défaut en soi. Beaucoup d’œuvres japonaises, dont des monuments, nous installent dans une ambiance similaire. Et même si les personnages ressemblent à tout personnage de lycéen dans un manga, il serrait injuste d'attaquer l'oeuvre sur ce simple fait, la proposition ayant été déjà traitée avec brio plusieurs fois.


Non, le premier véritable soucis, c'est le désintérêt profond que l'on ressent très rapidement vis à vis des personnages, tant les clichés se vérifient uns par uns, nous plongeant dans les abysses de l'inspiration (l'intello bogoss qui va aider le héros, le side kick fragile au grand cœur, la copine du héros qui est jolie et gentille, la nouvelle mystérieuse qui ne parle à personne...). Aucun n'est attachant, tous sont oubliables, et si j'ai aucune difficulté à retenir le prénom de chaque membre de la bande à Kenji de 20th century boys, lu y'a un moment, je dois m'accrocher pour retenir le prénom du héros de King's Game, que j'ai lu cette après midi. Et la faute ne peut pas m'être imputée à 100%. L'auteur ne fait rien pour les rendre mémorable, et le dessinateur parvient même à les rendre énervant, à grand renfort d'yeux écarquillés et de fioritures pour souligner l'importance du moment.


Mais ce n'est point tant un soucis, tant le rythme du manga n'aurait de toute façon pas permis de s'attarder sur tel ou tel personnage. En soi, en cinq volumes cela aurait pu être possible, mais l'auteur en a décidé autrement. Les tomes sont tous remplis de planches sanglantes et visuelles, avec des cases énormes. Toujours intéressantes pour souligner l'importance d'un passage ou pour rajouter du dramatique à une scène, elles cassent ici le rythme, rendant la lecture pénible, et empêchant le développement de tout personnage.


Et c'est dommage. Le scénario est intéressant, au début du tome 1 on se prend au jeu, on veut savoir qui est le roi. Et rapidement, on décroche. Quand un personnage proche du héros meurt dans le tome 1, on peut espérer ressentir un léger frisson. Cet espoir disparaît rapidement, et quand arrive la scène finale, ni le twist, ni la fin (tragique, on est dans un survival game, ne l'oubliez pas) ne sont surprenantes. Même un haussement de sourcil est difficile.


Le grand défaut de King's Game, finalement, c'est de ressembler à ses personnages. C'est d'être oubliable, malgré le dessin, qui tente comme il peut de nous en mettre plein la tronche. Il prouve à sa manière que suivre les codes d'un genre, sans jamais avoir la bravoure de les dépasser, c'est le meilleur moyen de se planter en beauté, de passer pour un fainéant.


Ironique, dans un manga où ce sont ceux qui sortent des clous qui meurent.

MightyWorm
3
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le 2 nov. 2016

Critique lue 321 fois

MightyWorm

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