Quand la bande dessinée joue avec les codes du vrai/faux documentaire

Les premières pages évoquent des images anciennes et connues de tous, celles du programme Apollo. Nous assistons à l’alunissage silencieux et majestueux d’Apollo 11, puis aux premiers pas prudents de Neil Armstrong, jusqu’à sa stupéfaction, en page 38, avec la découverte d’un drapeau soviétique. Les Russes les auraient-ils précédés ?

Le dessin en noir (surtout) et blanc (un peu) de Fabien Bedouel excelle dans l’exercice du documentaire. Privilégiant les grandes cases, il est sobre, factuel et précis. Il évoquera chez les plus anciens celui, inoubliable, de l'Albator de Leiji Matsumoto, en plus sombre, car sans étoiles. Il propose un Apollo plus vrai que nature ; plus fort encore, il imagine un véhicule spatial soviétique parfaitement crédible.

À partir de là, le scénario machiavélique de Pat Berna bascule dans le documentaire uchroniste. Il rappelle l’extraordinaire reportage-canular de Wiliam Karel (Opération Lune – 2003). Or, ici, deux versions divergentes de l’histoire s’affrontent.

Suite à la chute du Mur et à l’ouverture des dernières archives, un historien russe dévoile dans un documentaire largement diffusé sur internet les secrets du programme lunaire soviétique. Il a effectivement devancé les Américains, avant qu’une série de pannes l’ait, non seulement conduit à la catastrophe, mais aussi interdit de rapporter des images. Or, sans photographies, l’expédition était vouée à disparaitre des mémoires. Le premier homme avoir posé le pied sur la Lune serait Tatiana, une femme.

Sur une chaine concurrente, un expert américain dément avec véhémence, preuves à l’appui, la réalité de ce qu’il présente comme une fake-news complotiste.

Pourtant, la première variation est plus convaincante. Berna nous raconte une belle histoire, associant un magnifique drame passionnel à un amour suranné de la patrie soviétique. Tatiana est belle et nous assistons, émus, à ses derniers instants, alors qu’elle contemple l’univers.