Kosmos
7.1
Kosmos

BD franco-belge de Patrice Perna (Pat Perna) et Fabien Bedouel (2021)

La scène d’introduction, lente et silencieuse, nous montre l’alunissage du premier homme sur le satellite terrestre. Une scène qui nous paraît extrêmement familière, l’histoire on la connaît. Pendant les premières pages de ce qui semble être un documentaire, tout paraît conforme aux images qui ont été diffusées quantité de fois depuis ce jour historique du 21 juillet 1969. Mais c’est à la 28e page que la machine narrative se grippe, avec une vision que le cerveau ne parvient pas à admettre et qui rentre en conflit avec l’inconscient collectif terrien. C’est quoi ce drapeau soviétique qui se reflète dans la visière de l’astronaute ?


Tel est le point de départ de ce vrai-faux documentaire au sujet captivant, sorte d’uchronie sur la conquête spatiale sur fond de guerre froide. A l’époque, comme on le sait, les Etats-Unis et ce qui s’appelait encore l’U.R.S.S. se livraient à une concurrence effrénée pour être les premiers à planter leur drapeau sur le sol lunaire. Les faits décrits dans cette bande dessinée (on ne dévoilera évidemment pas tout), à savoir que les Russes remportèrent la course à la Lune, paraissent tellement crédibles qu’on en ressort troublé. Leur « échec » était dû notamment à un simple panne de caméra, car déjà dans ces années, la guerre des images faisait rage… Autre révélation parmi d’autres : le premier homme à marcher sur la Lune était… une femme. Mais non voyons, rien de tout cela n’est vrai, ça doit être le mal de l’espace qui me fait dire n’importe quoi ! Autant affirmer que l’alunissage des Américains n’a jamais eu lieu et a été filmé par Kubrick dans un studio sur le plancher des vaches…


Pour imprimer davantage de réalisme à leur récit, les auteurs, Pat Berna au scénar et Fabien Bedouel au dessin, ont puisé dans une documentation d’époque, tant technique que journalistique, ce qui fonctionne extrêmement bien. Et Même si « On a marché sur la Lune » ne fait pas partie de leurs sources, on ne peut évidemment s’empêcher d’y penser. L’histoire pourra plaire autant aux férus de conquête spatiale jusque dans les aspects technologiques qu’aux rêveurs attirés par les gouffres d’obscurité et d’infinie beauté au dessus de nos têtes. Graphiquement, réalisme et contemplation se livrent à une valse orbitale harmonieuse. La représentation fidèle des engins spatiaux s’accorde très bien avec les longues plages silencieuses au noir et blanc binaire, lequel restitue parfaitement l’atmosphère lunaire et le sentiment de solitude qui peut régner à ces hauteurs…


« Kosmos » arrivera à la conclusion que dans cette course à l’espace, la gloire d’un pays prime bien davantage que les vies humaines, et que pour l’URSS, la priorité était davantage portée sur le symbole du drapeau que sur la technologie, pas tout à fait au point… Dans un final à la fois glaçant et émouvant, Tatiana, la jeune femme russe qui foulera le sol lunaire, tout en sachant qu’elle ne reviendra jamais sur Terre, parvient encore à exprimer des sentiments patriotiques, mais surtout à s’extasier devant le spectacle grisant d’un clair de Terre…

LaurentProudhon
7
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le 28 févr. 2022

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