Classique du manga d'horreur, classique du manga de survie, et classique du manga; il n'est pas rare de voir L'école emportée cataloguée ainsi. Au contraire même: il est courant de voir cette pierre angulaire de la bibliographie de Kazuo Umezu, considéré comme une référence absolue du manga aux côtés de géants tels que Tezuka et comme le Dieu du manga d'horreur, nommée ainsi. C'est donc avec de nombreuses expectatives que le lecteur averti débutera sa lecture.


L'école emportée débute par la disparition aussi brutale qu'étrange d'une école primaire, et par extension de ses occupants, -quelque huit-cents élèves et le cadre enseignant- mystérieusement téléportée dans un monde hostile, dépourvu de vie, abondant en sable. Avec une telle introduction, le père du manga d'horreur parvient rapidement à capter l'attention de ses lecteurs et à susciter immédiatement le suspense chez eux. Mais, en dépit de la vélocité avec laquelle le Dieu du manga d'horreur y parvient, l'invraisemblance- c'est-à-dire ce qui paraît croyable, la cohérence de la logique interne d'une oeuvre par opposition au réel qui est ce qui est dans notre réalité- du récit se fait ressentir plus rapidement encore. Si l'on peut lui faire la faveur de fermer les yeux sur le suicide de la cinquantaine d'enseignants, eux adultes responsables qui étaient chargés de protéger les élèves; et, parallèlement, sur l'étonnante détermination d'acier des enfants âgés de trois à douze ans tout au plus, ça serait être aveugle que de les maintenir fermés pour le reste du récit. Comprenons bien qu'il est difficile, pour ne pas dire impossible, d'accorder de la crédibilité à ces personnages tant leurs habilités sont improbables. Par exemple, ce moment où ces enfants en bas âge parviennent à fabriquer une baliste, rien que ça. Ou encore lorsque l'un d'eux, sous prétexte qu'il est fils de médecin et qu'il a vu du coin de l'oeil son père prescrire un médicament une fois ou l'autre, nous fait la prouesse de réussir une opération du foie.


La surenchère ne s'arrêtera malheureusement pas là: en plus de sortir des éléments aussi invraisemblables qu'improbables, l'auteur a le culot d'user de facilités scénaristiques. Le personnage principal, pour une raison qui demeurera inconnue du lecteur, peut communiquer par télépathie avec sa mère. Encore une fois, il est possible de ne pas s'en préoccuper, le problème est une fois de plus l'usage qu'en fait l'auteur: permettre à la mère du protagoniste de lui envoyer des objets du japon au monde où a il été téléporté, et ce systématiquement durant les moments critiques. Il en résultera que plusieurs fois le prétendu Dieu du manga d'horreur ayant mis son protagoniste dans des situations inextricables qui auront fini par le dépasser, usera de cet artifice pour l'en sauver.


Par exemple, quand Shô est sur le point de se faire tuer par Sekiya, mais que le couteau que sa mère lui a envoyé le sauve in extremis.


L'école emportée comporte plusieurs thèmes dont le nombre ravira sans doute certains lecteurs. Néanmoins, les thèmes, aussi intéressants soient-ils, s'ils sont traités sans finesse dans leur exécution, perdent tout de leur intérêt. C'est malheureusement le cas de l'école emportée. L'exemple qui illustre le mieux cela est certainement celui de la religion: les enfants voueront un culte à ce qu'ils considéreront comme une divinité pour la laisser tomber et ne plus en parler quelques chapitres après.


Un autre exemple qui témoigne du traitement expéditif d'Uemezu est ce moment où, à la fin du tome 3, les personnages découvrent qu'ils sont victimes de la peste pour en guérir seulement deux chapitres plus tard.


Néanmoins, le manga a au moins le mérite de bénéficier d'un trait appréciable. Certains argueront qu'il est antédiluvien, mais cela ne l'ampute pas de ce qui en fait son charme: son caractère expressionniste qui correspond bien aux moments se voulant dramatiques.


Il en résulte une production qui m'aura déçu: lorsqu'un individu peut se targuer, tellement il excelle dans un domaine, d'être un Dieu, on est en droit de s'attendre à un rendu divin. Le prestige, il lui a été donné; la qualité, il se l'est ôtée. En conclusion, ''l'école emportée'', conjuguant invraisemblance et facilités scénaristiques, a tendance à expédier trop rapidement ce qu'il met en place, mais à défaut d'être divin comme le présume le titre de son créateur a au moins le mérite d'être bien dessiné.


Lu du 13/04/21 au 23/04/21
La note est en réalité un 5,5.

Begi-
5
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le 16 juin 2021

Critique lue 607 fois

4 j'aime

Begi-

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