Pas vraiment mauvaise cette histoire mais pourquoi reprendre des héros qui représentent une époque révolue ? Bien qu'assez farouchement hostile aux reprises d’œuvres emblématiques je livre ici quelques réflexions d'un épisode pas génial mais pas mauvais non plus, même si à mon avis l'esprit des origines n'est plus là.


Titre : L'étrange rendez-vous


Auteur : Jean Van Hamme (scr) Ted Benoit (des)


Publication direct en album : Dargaud Blake et Mortimer après 1996.


Éléments de critique externe :


Épisode des aventures de Blake et Mortimer faisant partie de la reprise de la série d'E.P.Jacobs initié par l'éditeur Dargaud avec de nouveaux auteurs. Bien que écrite dans les années 90/00, le récit se situe résolument dans les années 50 et s'ancre même dans l'histoire d'une manière très précise, contrairement aux œuvres de E.P Jacobs, qui s'employait à entretenir le flou sur la chronologie de ses œuvres. Ce décalage chronologique n'est pas sans influence sur le sens profond véhiculé par cette album.
Les nouveaux albums de la série Blake et Mortimer s'adressent d'abord à des lecteurs adultes et n'espèrent atteindre les plus jeunes que par ricochet. Ils sont publié directement en album sans prépublication . La promotion des albums empruntent les vecteurs de la diffusion des biens culturels avec des stations radio du type France Inter, presse magazine adulte d'information (Nouvel Observateur ) et réseau de diffusion spécialisé type FNAC.) Cette évolution accompagne et illustre le changement de statut de la BD dans notre société. D'outil de distraction et d'éducation pour la jeunesse elle est devenue objet culturel comme en témoigne en autre le phénomène des éditions collector, des rééditions de fac similé, sans parler des sites spécialisées et ouvrages d'exégèse.

Éléments d'analyse.


**Rapport au temps :**
Le récit le fait que le Parallèlement à ce réancrage temporel les auteurs veillent à multiplier les références aux à épisodes de la période jocobsienne.
Premières pages : Blake et Mortimer font allusion au Golden Rocket de l'Espadon.
Plus loin : Réapparition de l'empereur Basam Damdu.
Signes qui apparaissent comme des moyens de légitimation pour les auteurs vis à vis d'un lectorat s'inscrivant dans une démarche nostalgique d'évocation d'une période passé en cours de mythologisation.

Présence féminine :
– Deuxième page image maternelle avec 3 enfants.
– Page suivante présence de femme dans l'avion qui transporte B&M (2 sur 7 en une case).
– Page 6, présence d'une hôtesse de l'air.
– Page 7 hall d'aéroport présence féminine assez importante (17 sur 60 en exceptant les 2 héros répartit sur 8 cases).
– Page 8 on peut remarquer que Blake est assis dans le bus aux cotés d'une femme noire et que devant lui se trouve une femme avec un bébé.
– P 16-17 présentation d'une famille américaine vision de la famille traditionnelle la femme s'occupe du foyer et des enfants les hommes parlent de choses sérieuse entre eux après le repas.
– P-22 On voit le savant américain Kaufman au lit au cotés de sa femme.
– P-23 Le même prépare le petit déjeuner pour Mortimer. Le texte de sur-case précise :
« Le lendemain, après une fort mauvaise nuit de sommeil, Mortimer prend un petit déjeuner tardif à la villa du Dr Kaufman, dont l'épouse s'est absentée pour la matinée après avoir conduit ses enfants à l'école »


Ce texte totalement inutile par rapport au déroulement de l'histoire ne semble être là que pour faire style « Blake et Mortimer » et aussi pour indiquer que la femme possède une vie indépendante de celle de son mari, lequel est capable d'assumer les taches ménagères. Cet situation semble avoir été crée pour corriger l'impression précédente des pages 16-17, ces nouvelles aventures de B & M apparaissent comme une réécriture de l'histoire, il s'agit de fortifier le mythe de l'age d'or passé. Les décors sont propres et fourmillent de détails propre à susciter la nostalgie, il s'agit aussi de rapprocher pour l'époque évoquée de celle du lectorat, la misogynie originelle de la série est gommé mieux on suggère que les rapports hommes / femmes étaient déjà semblables à ceux des années 90.


– P-25 Dans le hall de l'hôtel on remarque en plus de la présence d'une « mémère à chien » qu'on dirait échappé d'Hergé, celle d'un employé noir derrière un comptoir. C'est un cas de réécriture historique. Dans les années 50 les États Unis sont la proie de la ségrégation raciale et les séries dessinées européennes continuent à propager le modèle ethnocentriste et paternaliste de la supériorité de l'homme blanc. On peut remarquer que les « remakes » font l'impasse sur le personnage de Nasir le serviteur hindou du duo.
– P-29 Le gardien de l'entrée du centre de recherche est noir.
– P-44 Apparition de Jessie Wingo qui combine en elle-même les deux caractéristiques d'être femme et métisse indienne. Comme en atteste sa présentation :
« Vous connaissez déjà l'agent Jessie Wingo, mon adjointe et la première femme à avoir atteint ce grade dans l'histoire du « Bureau ». Elle est à moitié indienne et connaît la région comme sa poche. C'est elle qui nous a trouvé ce poste d'observation. »
Nous sommes en plein idéalisation du passé.
– Jessie Wingo reste présente (p 44-65 62 cases sur 227) et active jusqu'à la fin de l'histoire (p 65 avant dernière page) au point de consacrer un certain effacement des héros notamment Mortimer qu'elle n'hésite pas à remettre en place à l'occasion : P-56 « Parlez moins fort, messieurs... » « ...je vous rappelle qu'il y a des sentinelles. »
– A la fin de l'action elle prend carrément la direction des opérations.


P 62 « - Eh bien, vous la conduirez une autre fois. Poussez-vous et tenez-moi ça docteur, je prends le volant !
Ramirez : Mais...
- Il n'y a pas de mais ! Accrochez-vous c'est parti ! »


Accessoirement on peut supposer que Jean Van Hamme se sent plus à l'aise avec ce personnage qui correspond plus a son style que ceux de l'univers Jacobien (J W possède d'ailleurs plusieurs traits commun avec le Major Jones (XIII) qui comme elle est femme, militaire, active et issue d'une minorité discriminée) le récit final adopte d'ailleurs un style plus fluide (moins d'encadrement textuel des cases).

– P 64 : J W maitrise le méchant Olrik dans un exploit digne de Mortimer, lequel est réduit au rang de simple figurant, J W à cette occasion meurs et ressuscite dans un rebondissement très Van Hammien.
– Fin P 64 : Mortimer reprend son rôle de héros sur l'injonction de Jessie : « Le miracle s'appelle un gilet pare-balles, professeur. Ne vous occupez pas de moi et dépêchez-vous d'aller désarmer cette maudite bombe. »
– P 65 : Jessie embrasse Mortimer qui en reste tout éberlué « Alléluia Professeur ! Et vive l'Angleterre ! »


Vision de la télévision :
On peut également remarquer le contraste qu'il existe entre « L'étrange rendez-vous » et « La marque jaune » vis à vis de l'attitude par rapport à la télévision p 17 celle-ci est montré comme un instrument pour enfant.
« Kaufman : La télévision, mon cher. Voilà ce qui sera le véritable fléau de la seconde moitié de notre 20°siècle. »


Il s'agit là d'une vision radicalement différente de la sacralité qui entoure la t.v dans « La marque jaune » et « SOS météores » celle-ci est alors un instrument rare que l'on allume à certaines occasions.
L'attitude développer vis à vis de la télévision dans cet album semble découlé d'une volonté de rapprocher la période de la fiction racontée avec celle de l'époque de rédaction. En prêtant à son personnage une attitude proche de celle
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le 15 nov. 2020

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