Pour les adeptes de poésie émouvante...

Dillies et Hautière m’ont offert un des moments les plus intenses et les plus mouvants en étant les auteurs du diptyque « Abélard ». Je ne connais aucun lecteur qui n’a pas succombé aux charmes de ce sympathique et fragile héros et de ses aventures. Ce fut donc une très agréable surprise de voir que le scénariste et le dessinateur décide d’offrir une suite à cette histoire sous le nom de « Alvin ». Elle se déclinera sur deux épisodes. Le premier tome paru l’année dernière s’intitule « L’héritage d’Abélard ». La filiation est sans équivoque.

L’histoire nous fait retrouver Gaston. Il est un ours taciturne qui travaille maintenant sur des chantiers depuis son arrivée à New York. Après une journée de travail, il a l’habitude d’aller boire un verre en ville et d’y retrouver Purity et de s’offrir ses charmes avec sa dernière paye. Néanmoins, Gaston s’est attaché à la jeune femme. C’est ainsi que cette dernière, avant son dernier souffle, lui demande de s’occuper de son fils Alvin. C’est ainsi qu’il se trouve embrigadé dans un road trip avec un enfant pour lui trouver un nouveau foyer…

Le lien avec « Abélard » est évident. On y retrouve Gaston et le célèbre chapeau de son ami. Sa particularité est de se remplir par magie de petits papiers sur lesquels sont écrits des leçons de vie. « Si tu pleures le passé, si tu crains l’avenir, accroche-toi au présent » est la première de ce nouvel opus. Néanmoins, la lecture de cette précédente aventure n’est pas indispensable pour savourer ce nouveau périple. Tout à revendiquant ses origines, « Alvin » prend son indépendance et mène son propre chemin.

Cet album peut être perçu comme un conte. Il est rempli de poésie. Le périple de Gaston et Alvin est très touchant. Découvrir à nouveau cet ours mal léché succombé aux charmes d’un petit enfant qui n’est pas épargné par la vie est émouvant. Je me suis tout de suite attaché à eux. Les auteurs arrivent à ne jamais tomber dans le pathos. Cela ne les empêche pas de toucher en permanence la corde sensible du lecteur. La richesse des sentiments que génère cette lecture est remarquable. On ne sort pas indemne de ce type d’ouvrage. Ils sont rares et se savourent.

La narration prend le temps d’installer les personnages et les enjeux sans brusquer le lecteur. Les textes sont rares mais précieux. Chaque phrase, chaque dialogue joue un rôle important dans le déroulement de la trame. Les silences également participent activement à l’atmosphère prenante et envoutante qui se dégage de chaque planche. Aucune étape de la construction de la relation entre Gaston et Alvin n’est occultée ou négligée. Cette richesse permet de rendre leur périple d’autant plus captivant. Leur « balade » est agrémentée logiquement de rencontres. Chaque personnage de second plan est également construit avec sérieux et subtilité. Incontestablement, le travail sur le scénario est remarquable.

Je ne peux conclure cette critique enthousiaste sans évoquer les dessins de Dillies. Son trait est reconnaissable entre mille. Son identité graphique est unique. La maestria avec laquelle il utilise l’originalité de son trait pour dégager toute la poésie des textes et du scénario est remarquable. Chaque planche est un petit bijou. Dillies ne tombe pas dans l’autosatisfaction. Ses dessins sont entièrement au service de l’histoire. Félicitations à lui.

Pour conclure, cet album est adorable. Il se lit avec plaisir et offre de vrais moments d’émotion. J’ai hâte de me plonger dans la lecture du dénouement dont je n’ai aucune idée du contenu. En effet, ce premier opus se conclut sur une grande porte ouverte sur le monde que j’ai hâte d’emprunter. Mais cela est une autre histoire…