• Je voudrais savoir... a-t-on repêché les corps des hommes dont l'avion a été découvert ce matin ?

  • Non, on ne les a pas encore retrouvés.

  • Et on ne les retrouvera jamais ! Jamais ! ...

  • Et pourquoi ?

  • Pourquoi ? ... Ha ! Ha ! Ha ! On voit bien que vous n'êtes pas du pays, jeune homme. Vous n'avez sans doute jamais entendu parler de LA BÊTE ? ...

  • De quelle bête parlez-vous ? ... Du monstre du Loch Ness ? ...

  • Ne riez pas, jeune homme. Je parle de la bête qui vit sur L'île Noire, dans les ruines du château de Ben More : c'est elle qui dévore tous ceux qui ont la témérité de s'aventurer par là ...



Pour cette septième aventure de Tintin, Hergé nous présente L'île Noire, un récit sur des faussaires, librement inspiré d'une actualité d'époque autour d'un trafic de fausse monnaie Russe orchestré par le docteur Georg Bell, un Écossais à la solde nazie. Les dessins de cet album sont riches, les vignettes possèdent des décors évolutifs, esthétiquement bluffant pour certaines cases avec des détails saisissants. L'illustration de la couverture de cet album est un de mes préférés. Avec son approche intrigante et son ambiance mystérieuse, mettant en avant au loin un lugubre château en ruine posé sur une île rocheuse et noire avec des oiseaux survolant le tout, laissant transparaître un mauvais présage. Des trois versions différentes de la couverture, la version originale en noir et blanc parut en 1938, la seconde en 1943 et la troisième en 1965, c'est de loin cette dernière qui est la plus belle, même si celle de 1943 possède également un cadre inquiétant intéressant.


L'histoire n'est pas avare en péripétie. Dès les premières cases on suit Tintin en pleine promenade avec son chien Milou, qui désireux de venir en aide à l'équipage d'un avion posé en urgence dans la campagne Belge, se fait tirer dessus, étant laissé pour mort. Un démarrage fort, qui donne d'emblée de jeu le ton et le rythme. La première moitié de l'album me pose un peu problème, les péripéties sont assurément généreuses (ce qui est plaisant), ainsi que le lieu de son aventure situé en Angleterre; seulement, l'intrigue use de beaucoup trop de facilité, tellement que c'est tirée par les cheveux. On voit un Tintin qui visiblement n'a pas du tout de chance, toujours au mauvais endroit au mauvais moment. Juste après avoir quitté l'hôpital (après l'attaque de l'avion), Tintin tombe par hasard sur les deux hommes responsables de son attaque dans une gare. Ils font accuser le jeune journaliste d'une fausse agression dans le train, le voilà poursuivi par les Dupondt (toujours autant idiots). Une petite course poursuite amusante prend forme, laissant tout de même songeur. Où Tintin a-t-il trouvé (dans un temps impartie de seulement quelques secondes) le costume pour tromper les Dupondt ?


Après avoir échappé aux inspecteurs, il continue son enquête qui n'a absolument aucun fil conducteur, si ce n'est que les méchants de cette aventure sont stupides. Si depuis le départ ils ne s'en étaient pas pris (et à plusieurs reprises) à Tintin, celui-ci n'aurait jamais découvert la fausse monnaie. Après quelques agressions et un coup du sort très très favorable, Tintin arrive chez le docteur Muller. À c'est instant, l'intrigue est de meilleure qualité, Tintin fait preuve de déduction et ne fonctionne pas qu'à la chance. Cela ne l'empêchera pas de se prendre le pied dans un piège à loup tellement visible qu'il est difficile d'y tomber dedans; ou encore d'avoir affaire à un râteau particulièrement virulent; d'une caravane en roue libre; et pire d'un crash d'avion causé par une clôture en pierre. Décidément pas de bol, un vrai poissard. Voici Tintin débarqué en Écosse habillé d'un kilt traditionnel avec un bonnet à pompon rouge. Son aventure va alors changer d'appui, prenant une dimension particulièrement austère et inquiétante.


Dans ce cadre superbe, aux décors particulièrement bien définis, Tintin se retrouve dans un bar écossais situé dans le village de Kiltoch, où il y fait la rencontre d'un vieil homme, qui direct pose un enjeu plus noir et inquiétant avec son histoire de bête. Les propos funestes du vieillard sont saisissants. L'avertissement sous forme de légende et de malédiction de L'île Noire avec les ruines du château de Ben More, installe un contraste nouveau qui donne toute sa puissance au récit. J'adore ce personnage (qui est clairement mon coup de coeur de cette 7ème aventure de Tintin), qui pour le peu de cases qui lui sont dédiées, marque durement l'esprit. Avec courage et détermination, Tintin outre-passe les avertissements du vieil homme, et malgré le refus de l'aide des pêcheurs, il trouve une embarcation pour rallier seule L'île Noire, sous le regard pessimiste du vieillard qui lâchera à un pêcheur : " Encore un qu'on ne reverra plus ". De quoi faire monter la tension avant le chapitre final, haletant et mouvementé qui va se jouer.


Parmi les antagonistes on trouve une pléiade de personnage, plutôt intéressant, à commencer par le patron des faussaires " Wronzolf ". Avec sa longue barbe noire et ses gros sourcils, il dirige les attaques incessantes contre Tintin afin de protéger ses intérêts. Il est secondé par le docteur Muller, un personnage que j'apprécie et que l'on retrouvera dans Tintin au pays de l'or noir ainsi que dans Coke en Stock. Il est un praticien violent ne faisant jamais preuve de compassion. Vient enfin Ranko le gorille, le monstre du Loch Ness d'Hergé. Présenté au départ comme un monstre violent et bestial, il est la fameuse bête terrorisant toute la province écossaise. Dressé par la main impitoyable de Wronzolf qui se sert du grand gorille pour faire peur au curieux, et ainsi maintenir les gens à l'écart de l'île, qui est le QG de la fausse monnaie. Il s'avèrera que le primate est une créature sensible et trouillarde. À noter que dans l'excellente série animée, la confrontation entre Ranko et Tintin est plus longue et de meilleure qualité.


J'ai pu lire que L'île Noire est l'album préféré de Peter Jackson, pas étonnant qu'il se soit finalement attelé à réaliser King Kong. Une anecdote amusante et finalement pleine de sens.


CONCLUSION :


Hergé présente avec L'île Noire une aventure inspirée, dans un premier temps banal et grossier, pour ensuite prendre tout son sens dans une atmosphère mystérieuse autour des légendes et des contrées écossaises. Un album riche. Une aventure pleine de péripétie et de mystère. Un Tintin malchanceux mais tout de même courageux qui doit presque l'entièreté des victoires de cette histoire à son chien Milou. Malgré les petites imperfections, le plaisir est au rendez-vous dans un excellent Tintin.


Le mystère de L'île Noire dont on n'aimerait qu'il ne soit jamais élucidé pour conserver toute sa nébuleuse.

B_Jérémy
9
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le 8 avr. 2020

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