A se pendre

Pas la peine d'y aller par quatre chemins, La Corde au cou de Gerra se présente certainement comme l'un des pire Lucky Luke ever. On touche, en 2006, le fond, comme avec le numéro 33 d'Asterix Le ciel lui tombe sur la tête paru un an plus tôt.

L'histoire, portant sur la pendaison des Dalton, en sanction de tous les crimes commis, sauvés par un mariage forcé avec des squaws de la tribu des têtes plates, est absolument indigeste, ridicule à en avoir la nausée, et se revèle graphiquement sans aucun intérêt.

L'album mériterait de ne pas en dire en plus mais, malgré tout, certains éléments peuvent être mis en avant, dans le mauvais sens du terme :

> Il s'agit certainement ici de la pire vision des indiens qu'un Lucky Luke nous ait été donné de voir. Ils sont vraiment bêtes, donnent le sentiment d'être arriérés. Ce que Goscinny avait infléchit dans ses derniers récits en les montrant particulièrement nobles comme dans Canyon Apache. Même esthétiquement, Gerra/Achdé ont eu l'excellente idée de les représenter avec une tête plate...pourquoi ??

En puisant dans l'historique, on est loin de la bonne collaboration maligne vue dans Les Dalton courent toujours ; ici l'association est forcée, ne fait aucun sens.

> Fait incroyable : Lucky Luke est complétement absent des planches 19 à 29 incluses, même pas mentionné ! Euh, il y a un problème non...?

> Gerra continue l'épuisement des persos jusqu'à la moelle : Les Dalton bien sur, omniprésents comme dans nul autre album, mais aussi Ma Dalton, Calamity Jane, Lulu Carabine (sur les planches 4 et 5). Recycler ces anciennes gloires n'est pas leur faire honneur.

> Tout ceci donne le sentiment d'avoir repris Lucky Luke comme il est présenté dans Les Nouvelles aventures de Lucky Luke. De l'humour potache, de l'agitation constante, du décalage, encore et encore. Gerra aurait peut-être connu Lucky Luke uniquement par ce biais ?

Pourtant, le pire, c'est que la première planche n'est pas si mal et donne presque l'impression que ce qui suivra sera sympathique. Leçon de cette BD : ne pas se contenter de lire la première page en librairie pour se faire un avis sur la teneur de l'album !

Dans l'excellent reportage Arte Lucky Luke, La fabrique du western européen, Hugues Dayez, journaliste culture à la RTBF, a des propos très justes en 2016 :

Je pense qu'un univers comme celui de Lucky Luke n'est pas inépuisable : c'est-à-dire la conquête de l'Ouest, les bandits...une fois qu'on a épuisé tous les codes et toutes les personnalités historiques liées à l'époque...on peut encore trouver quelques bricoles...sinon on fait comme Uderzo avec Asterix, on fait Lucky Luke et les extraterrestres et on tire le tapis tellement c'est abominable.

On sait qu'une série est terminée quand les scénaristes font, soit des voyages dans le temps, soit rencontrent les extraterrestres...là on c'est que c'est mort, c'est fini. Tous les scénaristes vous le diront, c'est la mort clinique d'une série ! Heureusement on n'a pas encore eu Lucky Luke qui voyage dans le temps ou avec les extraterrestres mais...who knows..."

Pas besoin d'aller jusque là pour dire que la série est morte, a minima qu'il faut d'urgence changer de scénariste tant les personnages et l'âme de l'univers sont dévoyés dans ce présent album.