Voilà, le sablier (à côté du nom de « Dallas Barr » sur la couverture) est vide. Donc, c’est la fin, mais laquelle ? Haldeman a intérêt à se dépêcher pour résoudre tout ce qu’il a laissé en suspens dans les épisodes précédents. En plus, sauvegardera-t-il un semblant d’espoir et de moralité ? Quand on connaît le mec, ce n’est pas sûr.

Déjà, fallait faire réapparaître Dallas Barr, qui avait fait grève de sa propre série au tome 6. Bon, bien sûr, c’est fait, mais à quel prix ! Les planches 2 à 4 exposent l’astuce de manière un peu compacte, et cela transforme le personnage de Stileman en éternel Docteur Faust avide de connaissances, mais en train de se faire ruiner par l’Etat fédéral et le Consortium (complices entre eux). Docteur Faust d’autant plus estimable qu’il semble bien en mesure de ressusciter des gens vraiment très très amochés, pas le genre éraflure à l’épaule pour faire élégant.

Alors, évidemment, quand la petite Sarabande (regard touchant, mais pas si canon que ça) doit assumer les conséquences amoureuses des mystifications de Julius Stileman, son cœur reste un peu à côté de la plaque (planches 13 à 15). On sent que, voyant la fin approcher, Haldeman a voulu resserrer le peu d’espoir que la série nous laisse dans une vague leçon à la con du style « L’Amour vaut bien l’Eternité ». On nous l’avait déjà faite, celle-là, et on n’est pas plus convaincu qu’auparavant.

On sait gré malgré tout à Haldeman d’avoir su faire un sort peu enviable au vilain Habib, apprenti-sorcier qui a voulu trop en faire sur lui-même (planches 22, 36, 42 à 44). C’est bien fait, na ! En revanche, les inserts en flashback relatifs à la vie de Dallas Barr (planche 33) ou de Stileman dans les rizières vietnamiennes n’apportent rien de clair à l’intrigue principale, sinon que Stileman a eu l’occasion de s’exercer à la chirurgie un peu avancée (planches 15 à 17). A vrai dire, on s’en fout.

La Guerre du Vietnam ayant profondément marqué la vie de Haldeman (il y est parti à 24 ans, en 1967, et il en a tiré « La Guerre Eternelle »), on comprend qu’il en instille un peu partout, mais là, l’initiative ne semble pas spécialement pertinente. Son amertume et son traumatisme affleurent dans un insert inopiné d’un mec qui lit, dans la Bible, quelques maximes tirées de l’Ecclésiaste (planche 23).

Tant qu’à explorer les spécificités de la culture des Etats-Unis d’aujourd’hui, il ajoute une référence aux mythologies soucoupistes – roswelliennes – Zone 51, appartenant bien au XXe siècle (planches 18, 23). Au cas où vous douteriez que cette mythologie est encore exploitée aujourd’hui, allez faire un tour au Colorado, en Arizona et au Nevada ! Dans ce contexte supposé prendre place à l’extrême fin du XXIe siècle, des images de balade d’OVNIs en formation géométrique et virant très sec dans le ciel nous ramènent dans les années 1950-1960. Haldeman a décidément du mal avec le temps, qu’il traite de manière assez cavalière.

La preuve, c’est quand il nous parle des effets du traitement Stileman sans fluorotexad (planches 27-28) : qu’on se sente stimulé, avec des sensations communes à pas mal d’expériences de drogue, rien que de banal surtout pour la génération de Haldeman, initiatrice de la pourriture de nos sociétés par la drogue. Mais là où on part dans le rêve, c’est quand ce simple traitement biologique-chimique introduit le sujet dans des distorsions temporelles. Là, tu peux y aller, aucune tentative d’explication physique d’un tel phénomène ne peut fonctionner, et d’ailleurs Haldeman ne s’y risque même pas. Le temps tel qu’il est ne lui convient pas, voilà tout.

Il fallait bien justifier la supériorité arrogante du Consortium par quelques biais. Il paraît qu’ils ont inventé l’antigravitation (planche 34). Toujours accro à une culture vieille de 150 ans Stileman fait visiter à Barr les souterrains nazis de Nordhausen-Mittelwerke-Dora, là où on fabriquait les V2 pour Hitler pendant la Seconde Guerre Mondiale. On y trouve l’étrange structure style Stonehenge, en beaucoup plus sinistre, censée avoir servi à des confinements magnétiques pour mettre au point l’antigravitation. Vous en trouverez une photo ici : http://www.hidden-truth.org/technology/free-energy-and-advanced-technologies-demand, visiblement exploitée directement par Marvano.

Un peu d’action, quand même : la « Dernière Valse » du titre n’a pas grand-chose à voir avec la Vienne impériale. C’est le nom d’un vaisseau spatial qu’empruntent Barr et Sarabande pour aller dialoguer avec les lunaires. Le retour est au moins aussi angoissant et improbable que la petite balade antérieure de Barr en pull-over sur la Lune, sans scaphandre (planches 37 à 42).

Le monde de 2100 vu par Haldeman n’a pas de quoi remonter le moral (planches 44 à 46); il est encore plus con et plus barbare qu’aujourd’hui : pollution, guerres continentales, dictature des sectes et des grands groupes capitalistes... Sombre... surtout quand le rêve d’immortalité s’abîme dans la folie ou l’affairisme. Quand on est traumatisé par le Vietnam, ça n’arrange rien.

Dans cet opus, les images les plus remarquables de Marvano sont célestes ou spatiales, avec de belles nuances de bleu-nuit qui conviennent au sujet, et des véhicules spatiaux à la fois élégants et pas trop extravagants à l’aune de notre technologie actuelle (planches 1 à 10). L’intrigue n’étant pas spécialement érotique, on remercie Marvano d’avoir su caser la secrétaire de Stileman (immortelle elle aussi, bel avantage en nature !) en train de se balader à poil sur sa plate-forme de natation (planches 11 et 12) ou en compagnie de Stileman (planches 17 et 18).

On se remonte le moral avec ce qu’on peut.
khorsabad
7
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le 2 juin 2013

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