"La page blanche" est l'histoire d'une jeune fille qui se retrouve sur un banc au milieu de Paris et ne sait plus qui elle est. C'est en d'autres termes la longue quête d'elle même pour arriver à retrouver son identité.
Cette recherche est l'une des grandes thématiques de la littérature et il n'est pas rare que des auteurs la prennent au pied de la lettre, mettant en scène des personnages ayant réellement perdu trace d'eux-même.
Cette BD m'a immédiatement fait penser à "Quartier Lointain" de Jirô Tanigushi, dans laquelle un homme se trouve téléporté dans la peau et la vie du petit garçon qu'il était, tout en conservant son vécu de quadragénaire. Le contraste entre le jeu qu'il joue pour son entourage, faisant croire qu'il est bien l'enfant que l'on voit, et ses pensées d'adulte, est un peu celui que Boulet exploite dans "La page blanche". L'héroïne, Eloïse Pinson parle d'elle même à la troisième personne, n'arrivant pas à connecter ses deux réalités : ce qu'elle a toujours donné à voir aux autres, et ce qu'elle est dans le présent. Elle regarde sa vie avec recul, cherchant à comprendre qui est cette personne dont elle porte le nom et occupe l'appartement. Que fait-elle, qu'aime-t-elle, que lit-elle, qui fréquente-t-elle ?
L'essentiel du livre porte sur la résolution de ces questions traitées à la façon d'une enquête humoristique, portée par le dessin léger et féminin de Pénélope Bagieu. Eloïse tente tout pour se retrouver : les fouilles archéologiques dans son appartement, la médecine, la psychanalyse, la thérapie de groupe. On avance avec elle dans sa recherche et ses errances. Quand sa mémoire lui joue des tours et lui crée de faux souvenirs d'enfance, on ne peut s'empêcher de penser aux nôtres, pour les relativiser et se demander où est la limite entre eux et nos fantasmes.Un autre ouvrage qui portait sur le même sujet était "La vie d'une autre" de Frédérique Deghelt. Ce roman ne m'avait pas particulièrement marquée et j'ai été surprise de voir qu'il serait prochainement adapté au cinéma par Sylvie Testud. Comme quoi le thème fait vendre. Il traitait aussi d'une femme se réveillant un matin en ayant complètement effacé ses quinze dernières années, oubliant même jusqu'à la naissance de ses enfants.
Pour revenir à "La page blanche", l'idée de base était donc séduisante et je pense que Boulet aurait pu aller beaucoup plus loin dans le scénario, pour le densifier, car l'enquête d'Eloïse tend à être assez répétitive, et pour exploiter les véritables enjeux et souffrances d'une quête de soi. Cela aurait davantage touché les lecteurs et donné au livre la profondeur qui lui manque. Les dernières pages auraient également mérité d'être plus développées car elles vous donnent un sentiment de bâclé qui vous laissent sur votre faim.
La BD est finalement assez superficielle par rapport à son potentiel mais reste une lecture tout à fait plaisante. L'imagination de Boulet et les clins d'oeil de Pénélope en font une lecture très amusante. Je vous conseillerai tout de même de découvrir chacun des dessinateurs dans leurs univers respectifs en lisant "Joséphine" de Pénélope Bagieu et les tomes de "Notes" de Boulet. Ou en commençant tout simplement par leurs blogs qui sont mes deux blogs dessinés préférés de la toile :
http://www.penelope-jolicoeur.com/
http://www.bouletcorp.com/
Isla
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le 24 janv. 2012

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Isla

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