Totem et Tabou en image

A ceux que la lecture du "totem et tabou" de Freud rebute je leur propose de se pencher sur l'album de Peyo.
(encore une fois je regrette de ne pas pouvoir intégrer les images prévus pour accompagner ma démonstration).

Un père absolu.
De part leurs longues barbes blanches, le roi Arthus de la série « Chevalier Ardent » et le Grand Schtroumpf apparaissent comme des père qui perdurent et ne meurent pas à l'image d'une réalité démographique qui grâce l'allongement de la vie voit augmenter l'importance numérique des personnes âgés . Succédant à l'aventure du « Schtroumpfissime », l'épisode « La Schtroumpfette » (1966) repose avec encore plus acuité la question de l'accès des schtroumpfs indifférenciés à la singularité, lorsque étant collectivement tombé sous le charme de la Schtroumpfette, ils se trouvent obligés de se distinguer individuellement aux yeux de la belle.

L'autorité du Grand-Schtroumpf qui repose sur un état pré-œdipien où chaque membre ne possède qu'une faible conscience de lui même se révèle inefficace à rétablir l'unité d'une communauté en proie aux affres de l'amour désarmé par la candeur et le charme de la Schtroumpfette, le Grand-Schtroumpf voit son autorité réduite à néant quand après avoir convoqué un tribunal pour juger la Schtroumpfette qui a révélée avoir été conçu par le sorcier Gargamel, il se trouve désavoué par l'ensemble du village qui prononce l'acquittement la Schtroumpfette après que le Schtroumpf farceur, avocat de la défense, ait renversé la charge de l'accusation sur le Grand Schtroumpf lui même (qui préside le tribunal) en rappelant qu'il a lui même transformé la Schtroumpfette en une adorable créature.

La transformation, par le Grand Schtroumpf, de la vilaine Schtroumpfette crée par l'affreux sorcier Gargamel en une affriolante, et affolante créature, ne manque pas de poser problème tant plane le soupçon d'inceste qui entoure cette transformation.
La Schtroumpfette passe trois jours (et trois nuits) enfermé avec lui dans le laboratoire du Grand Schtroumpf. Symboliquement très fort le chiffre trois renvoie, de multiples manières à la sexualité . Le laboratoire du Grand Schtroumpf constitue, dès le début de la saga, une pièce interdite, où ils ne peuvent pénétrer que exceptionnellement et sur invitation du Grand Schtroumpf, l'assimile à la chambre des parents que l'enfant ressent comme envelopper de mystère et qui excite sans cesse sa curiosité. Le fait que l'ensemble du processus reste invisible, le lecteur qui reste, à l'instar des schtroumpfs, à l'extérieur du laboratoire ne manque pas d'entretenir les fantasmes.

La Schtroumpfette tend à apparaitre à la fois comme la fille du Grand Schtroumpf (il l'a en la transformant engendré une nouvelle fois) et comme sa femme (ils auraient fait l'amour dans le laboratoire sinon pourquoi se cacher ?).

De par son unicité la Schtroumpfette cristallise sur elle-même la totalité du désir de l'ensemble des schtroumpfs et ne propose aucunes alternatives à la projection amoureuse. Le Grand Schtroumpf, en la transformant, ne réaffirme pas le caractère interdit de la mère au contraire, en exhibant la réussite de sa transformation esthétique, il propose à la communauté un unique objet d'amour. Les schtroumpfs ne sont pas appelés à s'émanciper et se singulariser mais sont condamnés à collectivement reproduire les même comportements à l'image du coucher de soleil, où attendant la Schtroumpfette, ils apparaissent tous réuni dans un même désir d'être reconnu comme unique.