On a rarement lu une bande-dessinée aussi dense, pourtant longue d’à peine 45 pages. Roger Leloup décide de se confronter, en un seul récit, à toutes les grandes intrigues classiques de la Science-Fiction : voyage dans le temps (et paradoxe du grand-père), autodestruction de l’humanité dans une course à la technologie, monstre extraterrestre ... Au passage, Roger Leloup vire dans la crypto-histoire sur la Seconde Guerre mondiale et rend ainsi un bel hommage à Hergé : si L’affaire Tournesol spéculait sur les armes secrètes nazis durant la guerre, La Spirale du Temps s’empare elle des légendes sur la technologie secrète des Japonais à la même époque.
L’intrigue est bien ficelée, avec un faux début autour d’un vidéo-reportage sur Bornéo, avant de virer dans la SF pure et dure. Les rebondissements de l’histoire satisferont les amateurs du genre : voyage entre trois époques distinctes, paradoxes temporels à gogo, et affrontement final contre le monstre dans le passé puis le présent. Et les scientifiques en herbe apprécieront les théories sur l’espace et le temps, ainsi que la technologie de la bombe à contraction, alimentée par l’antimatière ... une belle trouvaille !
Côté dessins, Roger Leloup confirme son talent absolu pour les décors : depuis le vide sidéral jusqu’à la base militaire japonaise, et des cahutes de Bornéo au repaire du monstre sous la montagne, voici l’un des albums les plus dépaysants de Yoko Tsuno. Presque sans aucune fausse note, même si la profusion de scènes nocturnes et souterraines peut sembler étouffante, ainsi que le cadrage très serré de certaines pages.
La Spirale du Temps avait tous les ingrédients pour devenir une grande aventure de SF, s’il n’y avait l’indécrottable naïveté qui colle au propos : Roger Leloup ne peut pas se résoudre à placer l’origine du mal dans l’avidité de l’Homme, alors il ajoute un monstre extraterrestre qui serait la source de toutes ces catastrophes (recyclant au passage l’idée de la bête intelligente, déjà exploitée dans le Trio de l’Etrange, tome 1). Même si cela lui donne l’occasion de dessiner quelques demi-pages absolument bluffantes, du point de vue du scénario, cela reste un revirement un peu cheap.
Et du côté historique, ce n’est pas mieux : la confrontation entre Yoko Tsuno et les soldats japonais en 1943 aurait pu être riche en rebondissements, dommage que ceux-ci soient un peu trop caricaturaux...
Last but not least, Roger Leloup prend pour la première fois un peu de distance par rapport à ses personnages : Vic raille ouvertement Yoko et son côté trompe-la-mort. Et la petite japonaise, assommée dans le combat final, finit l’aventure sur l’épaule de son ami ... qui l’assomme d’ailleurs à son tour, contre la portière de l’hélicoptère !
Un peu d’autodérision bienvenue, dans une série parfois pompeuse...