Il n'y a pas d'âge pour être un héros ! [Critique des deux premiers volumes]

Parcourir les premières pages de Last Hero Inuyashiki met en colère. Pourquoi ? A cause de la « famille formidable » que l’on a sous les yeux. Prenez un homme de 58 ans – qui fait plus vieux que son âge – , qui économise pour construire une maison pour que sa femme, ses deux enfants et lui-même aient leur chez soi. Le jour du déménagement un seul sentiment se lit sur le visage de la femme et des deux gosses : la déception. Maison mal située, trop petite, pas assez classe… Ils partent manger laissant le père seul, qui déballe les cartons. Voilà le quotidien de Inuyashiki : un boulot guère épanouissant, le mépris de sa petite famille ; il a une vie de m*rde. Quand en plus il apprend qu’il ne lui reste plus que trois mois à vivre et que personne de sa famille ne répond à ses coups de fil’ on se dit que la coupe est pleine. On se demande même si les enfants sont bien de lui… Seul petit plaisir : Hanako, une chienne qu’il a adoptée et qu’il sort promener.


D’ailleurs au cours d’une promenade du soir avec Hanako Inuyashiki croise Hiro Shishigami, un lycéen. Ils n’échangent pas une parole : un objet tombant du ciel les pulvérise tous les deux. Ceux qui ont fait cela (des extraterrestres ?) se disent que c’est fâcheux aussi ils reconstruisent Inuyashiki et Hiro comme si de rien n’était. Ni vu ni connu. Ou presque : désormais les deux hommes sont des espèces de cyborgs (je reprends le terme du synopsis) dotés de capacités franchement impressionnantes. Des versions améliorées de Terminator (sans Sarah ni John dans le coin).


Comme dirait un certain oncle, « un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. » Alors, lorsque Inuyashiki et Hiro réalisent leur nouvelle condition les deux personnages – déjà fort différents (âge, situation…) – vont faire des choix diamétralement opposés :



  • Inuyashiki va devenir un héros, sauver des personnes, tabasser du vilain et donner une leçon aux méchants garnements. Faire cela lui fait du bien, le rend heureux (quand il mène à bien la mission de sauvetage bien sûr) et il y trouve une preuve du fait qu’il est encore humain ;

  • Hiro lui veut se sentir vivre et pour cela, il tue des gens. Cela ne lui fait rien : ce ne sont pas des personnes qu’il connaît alors il vise et tire.


Entre un « vieux » de 58 ans et un petit jeune, lequel maîtrisera le mieux toutes les possibilités offertes par la « technologie embarquée » dont ils disposent ? Sont-ils invincibles (pour peu qu’ils boivent de l’eau – consommer autre chose ne semble pas indiqué sauf pour repeindre les murs) ? Encore humains ? Libres de faire ce qu’ils veulent (ceux qui les ont recréés vont-ils regarder un peu ce qui se passe) ? D’autres humains seront-ils aussi transformés ? Les extraterrestres passeront-ils à l’assaut ? Inuyashiki sera-t-il réhabilité dans sa famille ou rejeté avec plus de force encore ? Hiro va-t-il changer ? Faut-il des cyborgs pour sauver la société des hommes (C17 et C18 n’avaient pas franchement laissé une impression positive dans le monde de Trunks) ? La fille de Inuyashiki sera-t-elle ciblée par Hiro ? Hanako pourra-t-elle dormir où elle le souhaite dans la maison ? M. Oda (le voisin super riche enfin à première vue) invitera-t-il la petite famille chez lui ? Les questions ne manquent pas de surgir au fil des pages.


Pour partie, les questions découlent des thèmes évoqués au fil de la série. Certains ont déjà pu être aperçus dans Gantz. Hiroya Oku reproduit des critiques envers la société actuelle tout en en ajoutant de nouvelles : tout le monde est connecté mais semble isolé, on se préoccupe peu du sort de ceux qui ne sont pas proches de nous, les jeunes font des bêtises (racket, tabasser des clochards, Hiro et ses meurtres…), solidarité en baisse… On peut trouver qu’il y a parfois quelques exagérations dans le propos, que cela va un peu loin – idem à propos du mépris dont est victime Inuyashiki, il n’y va pas avec le dos de la cuillère ! C’est vrai. Mais ce sont aussi ces exagérations qui nous font entrer dans le récit, qui nous permette de sympathiser avec le personnage principal : ce n’est pas tous les jours que l’on a un héros de 58 ans. Senior power !


Point amusant : dans Last Hero Inuyashiki ça parle manga ! Le meilleur ami de Hiro, Chokko, est en effet un fan de Gantz (on trouve plein de posters chez lui). Un clin d’oeil au manga qui permet d’évoquer la réception diverse dont le manga a fait l’objet : Chokko l’aime, Hiro évoque les critiques négatives sur Amazon et 2chan (« tout le monde dit que c’est de la m*rde »). Faut-il croire ces critiques ou se faire son propre avis en lisant le manga ? La question est posée. D’autres mangas sont aussi évoqués, en passant, notamment l’Attaque des Titans et One Piece ! Hiro a notamment une discussion surréaliste avec une jeune fille sur Luffy et ses aventures. L’auteur nous surprend donc lors de passages, moments que l’on n’attendrait pas. Pour le meilleur et, espérons-le, jamais pour le pire !


Lire Hiroya Oku c’est aussi découvrir son style, sa patte : le recours au dessin numérique, qui plaît ou non. Dans sa série précédente on pouvait parfois regretter le rendu (notamment la cohabitation pas toujours harmonieuse entre ce qui était totalement dessiné et le reste – décor, objets, ennemis – qui avait un côté trop photographique, plaqué sur le reste). Il y a du mieux dans cette nouvelle série. On sent un progrès et cette manière de faire permet à l’auteur de donner pas mal de précisions, de détails visuels notamment lorsque le corps de nos « surhommes » s’ouvrent et que l’on voit la mécanique qu’il abrite (la révision ne doit pas être donnée…). Les yeux ne sont pas déçus du voyage.


Surtout que l’édition française de Ki-oon est très agréable à manipuler. Les pages se tournent et défilent avec une traduction très agréable (je chipote juste sur le choix de « pan » plutôt que « bang »… mais c’est un mini-point de détail), des pages couleurs et des couvertures qui donnent un effet 3D, de relief bien sympa’. Le toucher des couvertures m’a d’ailleurs donné une impression lisse, quelque peu froide, qui m’a fait penser à ce que les deux personnages pouvaient ressentir maintenant qu’ils étaient des cyborgs.


La phase finale de Gantz a suscité bon nombre de commentaires (et de jeux de mots), quand bien même l’auteur avait déclaré que c’était la fin qu’il voulait (pour un rapide survol de Gantz sans spoilers je vous invite à lire le dernier post de Kei-kun sur Gantz Otaku). Aussi Last Hero Inuyashiki ne pouvait qu’être attendu avec quelques questions en tête. Il faudra attendre pour avoir tous les réponses mais on sait qu’a priori la série devrait faire 10 tomes. De quoi fournir une bonne petite intrigue, des revirements et une fin réussie ? C’est tout ce que l’on souhaite. Cette nouvelle série de Hiroya Oku commence sous de beaux auspices : pourvu que ça dure !

Anvil
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le 28 nov. 2015

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