Alors que la chute qualitative d'Astérix se fait de plus en plus prononcée, non pas depuis la mort de Goscinny, mais depuis La Rose et le Glaive, Uderzo nous offre avec ce trente-troisième album, un voyage dans l'espace dont les fans se seraient bien passé. Reconnaissons au moins ce talent assez rare : Uderzo met tout le monde d'accord. Le Ciel lui tombe sur la tête est définitivement le pire album d'Astérix et ce n'est pas prendre beaucoup de risques que d'annoncer que faire pire sera difficile.
Renonçant à tout bon goût, Uderzo amène de la science-fiction en mode "vomitif" sur le village gaulois, nous imposant au passage une vision pour le moins ridicule du monde réel et du neuvième art mondial.

Mais avant de parler du fond, évoquons la forme.
Uderzo réalise avec cet album une baisse qualitative de ses dessins, devenus plus caricaturaux que jamais. Dans les détails on notera une baisse de niveau par rapport au passé. Mais surtout la mise en page est totalement anarchique. De nombreuses cases sont gonflés et occupent un tiers de la planche sans aucune raison. Certes, Uderzo a toujours été dans la mise en plage classique de chez classique, ennuyeuse même. Mais là, on a quand même l'impression que c'est gratuitement que celle-ci est bousculée. Le tout pour n'apporter rien d'autre que du laid et une lecture, peut être pas moins aisée, mais en tout cas moins coulante.
Quand on parle d'Astérix on s'attend aussi à une ponctuation précise : l'humour. Le tome doit obligatoirement être ponctué fréquemment de calembours, de jeux de mots, de sous-entendus, d'anachronisme. Bon déjà, il faut se rappeler qu'Uderzo aime expliciter les sous-entendus, gênant le lecteur comme un oncle ivre à un repas de famille qui explique chacune de ses blagues. Pour le reste c'est quand même très peu drôle (ex : la hutte finale). On garde cependant une ou deux blagues drôles, mais au final, à la fin de l'album nous aurons eu 4 ou 5 sourires. Qu'il est loin l'ère Goscinny et ses 9 rires par planches !

Mais parlons de ce qui pousse au vice : le scénario !
Toune, extra-terrestre de la race des Tadsylwiniens vient sur Terre pour récupérer la potion magique, considéré comme dangereuse car risquant de tomber dans les mains des nagmas, un peuple belliqueux en opposition aux Tadsylwiniens. Le village d'Astérix devient donc le lieu d'une guerre inter-galactique entre superclones et robots.
Bon, déjà, je crois qu'on est tous d'accords pour dire qu'après La Galère d'Obélix plus rien ne devait pouvoir nous étonner. Comme quoi, le moins qu'on puisse dire c'est qu'Uderzo est plein de ressources ! Nous sommes, avec Le Ciel lui tombe sur la tête, totalement à l'ouest, totalement hors de ce que devrait être un album d'Astérix. Cette idée est au mieux ridicule, au pire totalement dingue !
Et si encore cela avait pour but d'amener un message intéressant, mais non ! On a le droit à un chauvinisme couplé à un anti-américanisme primaire tout ce qu'il y a de plus médiocre. Le pire étant évidemment les références, le message qui est passé.
Toune représente les Etats-Unis. Il s'impose, il considère qu'il peut mieux juger que les autres (les gaulois seraient sous-développé) et finalement le lecteur s'aperçoit que Toune est du genre à ne jamais prendre en compte l'avis des autres. Ses colères sont même dangereuses. Le message est claire : les Etats-Unis ne respectent rien ni personne, surtout pas nous, vrais français ! Toune est aidé par des super-clones, qui peuvent devenir des supers-clones-araignés ou chauve-sourie. Ils ont comme arme un anneau de puissance. Le message est là, moins politique, mais artistique : la BD américaine propose des œuvres identiques, tous les héros sont pareils. Les seuls différents étaient les personnages de Walt Disney.
Du côté Nagmas, c'est pas mieux. Ceux-ci volent la technologie des autres (ça me rappelle un vieux préjugés anti-japonais) et adorent faire la guerre. Ils se battent avec des robots géants (références à Goldorak) ou bien en utilisant des arts martiaux visuellement impressionnants où ils crient beaucoup. Là encore, le message est simple : les mangas c'est de la copie, ça n'a pas d'intérêt et ce n'est que superficiel.
La seule et vraie belle BD serait française, ou plutôt franco-belge.

Bon, déjà j'avoue que penser qu'Uderzo s'imagine comme étant un type qui est dans une révolution constante, ça me fait assez mal au cœur ... Surtout en voyant une telle BD.
Car au final, le message c'est quoi ? C'est reconnaitre et exposer une méconnaissance totale du neuvième art mondial. Clairement Uderzo n'a jamais pris la peine de lire des comics (de super-héros ou non), il n'a jamais cherché à se documenter sur les mangas.
Le Ciel lui tombe sur la tête c'est une BD faite par un petit mec bourré de préjugés, qui n'a jamais pris la peine de se renseigner sur le milieu dans lequel il travaille.
Quand je compare la démarche d'Uderzo à celle d'Osamu Tezuka, je suis pour le moins, mal à l'aise. Pourquoi l'hommage d'Uderzo à Walt Disney parait à se point là rempli de mépris pour les autres BD là où Tezuka (qu'Uderzo n'a jamais lu semble-t-il) a développé à travers son œuvre un respect grandiose envers le papa de Mickey.

Au mieux, Le Ciel lui tombe sur la Tête est un raté, le plus mauvais des Astérix.
Au pire, c'est un message de haine d'un ignorant qui, malheureusement, a bercé notre enfance.
mavhoc
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le 30 oct. 2014

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mavhoc

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