La toute première case ne laisse guère de doute, Arthis a trouvé une issue à sa prison, puisqu’il s’adresse à quelqu’un qu’il nomme Monseigneur. Ce dialogue est dans un cadre noir, montrant qu’Arthis est encore dans une sorte de trou, il cherche à faire le point sur une incroyable succession d’événements qu’il vient de vivre. Les rebondissements vont s’enchainer, tout au long des 46 planches.


A la fin de l’épisode précédent, Arthis avait découvert que le valet avait une position bien plus ambiguë que celle qu’il imaginait initialement. Tout en étant le valet du pouvoir en place (pour endormir toute méfiance), ce personnage œuvrait à un projet d’envergure synonyme d’espoir. Désormais affublé du sobriquet de Blondinet, Arthis a pris le parti de s’intégrer à ce groupe. Ce qui ne l’empêche pas de pester contre le valet qu’il accuse d’être égoïste et insensible à la souffrance de ceux qui l’aident. Les rivalités se font de plus en plus évidentes et la tension monte, attisée par les manigances du narquois. Mais si l’explosion de violence permet de dégager un passage, ce n’est pas vers la liberté. Occasion de montrer que, dans des conditions extrêmes, l’humanité des hommes est fragilisée.


La prison laisse apparaître une similarité remarquable des deux côtés, ce qui donne à Arthis (toujours individualiste, son envie de liberté reste un projet strictement personnel), l’idée d’explorer une voie qui se révèle le seul vrai point faible du lieu. Et là, révélation qu’on sentait un peu venir, il découvre le royaume de Galthédoc, qui est LA grande idée de cette série. Sur un modèle typiquement dystopique (localisé), le scénariste Makyo a imaginé qu’à la suite d’un concours de circonstances, un immense château serait construit dans une région isolée, et verrait une communauté y vivre en autarcie, oubliée de tous, en conservant les us et coutumes du Moyen-Âge. La crédibilité est toute relative (proximité des autoroutes, etc.) mais le scénario fonctionne si bien qu’on rentre dans l’histoire.


La grande astuce scénaristique est que les uns et les autres cherchent à préserver des secrets. Une prisonnière (très vieille) annonce à qui l’écoute « Hé !...Gens du grand pays ne doivent pas savoir ! » Quant à Argon qu’Arthis a rencontré, il n’est que le fils de Jehan XI qui règne sur le royaume. Ce royaume préservé de tout et qui vivait en harmonie n’a pas su conserver ce qui faisait sa force, suite à des dissensions familiales. Là aussi, un système codifié fait régner une certaine ambiance. Ayant conscience que le royaume vit replié sur lui-même, Argon éprouve des envies d’ailleurs. Sa rencontre avec Arthis lui ouvre des perspectives. Mais comment pourrait-il imaginer ce grand pays ? Arthis n’est pas à cours d’idées !


La troisième partie (planches 33 à 46) voit Arthis de retour au grand pays (qu’il ne peut plus voir comme avant). Il y retrouve la blonde Anne (dans l’épisode précédent il était question de Line). Arthis arrive dans un état lamentable avec une histoire à dormir debout. Une des forces de l’album est de montrer le XXème siècle et Paris sous un aspect ultra-léché, avec des couleurs très pimpantes, Anne étant une jeune blonde séduisante et habillée très chic. Si ce monde apparaît assez clinquant par rapport au royaume de Galthédoc, le scénario évite judicieusement de faire dans le passéisme simpliste. Oui, le royaume de Galthédoc a beaucoup de charme (décors, costumes, nature, etc.) mais il est le théâtre d’événements peu glorieux et tenu par une famille qui maintient un régime féodal strict où l’individu a peu de liberté.


Le scénario réserve une incroyable quantité de rebondissements qui montrent la richesse de l’imaginaire de Makyo et son goût pour la poésie (celle des troubadours). Pour peu qu’on veuille bien croire au royaume de Galthédoc (au moins pendant la lecture), tout se tient. Reste évidemment une question majeure : pourquoi ce refus de communiquer avec l’extérieur ? Et puisqu’on ne sait pas qui en décide, on peut ajouter une question subsidiaire, pourquoi l’évolution en Galthédoc est-elle restée figée ? Faut-il penser que cela est dû à l’absence totale de communication avec l’extérieur ?


Le dessin de Vicomte (qui cosigne les couleurs avec Quilici) est cette fois parfaitement assuré, le trait élégant et les mouvements bien rendus. Les personnalités des compagnons de geôle d’Arthis prennent de la consistance et le dessinateur marque remarquablement bien les différences entre le monde des geôles, le royaume de Galthédoc et le vingtième siècle à Paris.


Le projet d’Arthis est à la fois logique et insensé. Que peut-il apporter à ceux qui vivent toujours en Galthédoc ? Un royaume qui se révélera certainement encore plus complexe au prochain épisode.

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le 3 janv. 2015

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