Qui s'épuise avant même les parois, n'a aucune chance d'atteindre le sommet.

Jiro Taniguchi démontre une nouvelle fois sa capacité à dépeindre la société japonaise avec simplicité et talent tout en retrouvant ses thèmes de prédilections : dépassement de soi, culpabilité et critique sociale.
Patron du manga social depuis ses Un Zoo en Hiver, Quartier Lointain ou encore Journal de mon Père (que je n'ai pas encore lu d'ailleurs), il livre ici un portrait social superbe d'une jeunesse égarée mais pas seulement...En abordant, sans revers, le thème des "souteneurs", il tape fort sur une société japonaise pleine de "non-dits" qui ici se caractérisent par l'immoralité des pratiques de ses hommes qui au delà de profiter de l'hésitante adolescence de ses jeunes filles, en profitent surtout pour assouvir les fantasmes les plus amoraux.


Son ton est à la fois plein de détachement et violent car le manga aborde le sujet sans détour et nous entraine dans les entrailles de Shibuya avec une aisance que seul le dessin de Taniguchi peut permettre. Ici point de violence, point de grande scène et pourtant Le Sauveteur dégage une puissance et une facilité narrative impressionnante. C'est rudement bien écrit et excellemment bien rythmé entre la sphère familiale, le conflit avec la police, la découverte de Shibuya et le final aussi héroïque qu'improbable (mais dénonçant une forme d'impuissance devant la surpuissance de l'entreprise, montrant une forme d'impunité du riche et du puissant).
On retrouve en plus les thèmes chères avec cet alpiniste plein de culpabilité (décidément...) qui va tout faire pour sauver, ce qui est en quelque sorte, sa fille. Par sa promesse et le voeux de son camarade de montagne disparu, elle l'est.


De la critique sociale sans détour au roman aventurier teinté d'alpinisme, d'honneur et de culpabilité, Taniguchi livre une nouvelle fois un récit plein de sensibilité, d'amour et de talent. En dépeignant une nouvelle fois un morceau de société japonaise, il nous transporte dans un choc des générations. Le Sauveteur en serait presque sociologique tant le portrait semble juste, approprié et fin.

Halifax
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Jiro Taniguchi, BDcomimangaphagie 2016, Les meilleurs mangas de Jirō Taniguchi et Mangas : One Shot

Créée

le 19 juil. 2016

Critique lue 336 fois

2 j'aime

2 commentaires

Halifax

Écrit par

Critique lue 336 fois

2
2

D'autres avis sur Le Sauveteur

Le Sauveteur
EricDebarnot
7

Un goût de polar

Après le choc de la découverte - les magnifiques éditions chez Casterman de "Quartier Lointain" ou du "Journal de mon Père" -, voici le temps de se construire une perspective plus juste de l'oeuvre...

le 16 avr. 2013

1 j'aime

Le Sauveteur
Vash
7

Tokyo Noire

Publié par chez nous assez tardivement, mais juste avant Le Sommet des Dieux au Japon, Le Sauveteur est un polar bien plus sombre que toutes les autres productions de Jiro Taniguchi. On y retrouve...

Par

le 16 janv. 2018

Le Sauveteur
Biznut
7

Critique de Le Sauveteur par Biznut

Un manga sur la recherche d'une fille disparue par un alpiniste obstiné. Adapté au format One-shot, un thème original, bien traité.

le 27 avr. 2014

Du même critique

1917
Halifax
9

Course contre la mort

France, 1917, une prairie. Première respiration et premier mouvement de caméra. A partir de maintenant et pendant presque 2h, cette caméra ne s’arrêtera plus de tourner, de monter, de descendre,...

le 8 janv. 2020

97 j'aime

7

Nous trois ou rien
Halifax
9

La pépite française de l'année !

ALLEZ-Y ! ALLEZ-Y !!!!!!! Pourtant, je pense qu'on a été beaucoup à se dire que "non, nous n'irons pas voir le film de Kheiron". Et pourtant... Ce n'est pas le film avec les meilleurs acteurs, ce...

le 7 nov. 2015

93 j'aime

5

Sicario
Halifax
7

Les dieux de la vengeance exercent en silence, traquant l'immoral au prix de la loi

Sicario c'est surement l'histoire d'une grosse attente et aussi d'un sentiment partagé lorsque l'écran s'est éteint. Partagé, très partagé même sur le coup. Sicario était plein de promesses, doté...

le 26 oct. 2015

68 j'aime

7