Le sort Senscritiquien que je réserve à ce sommet dans son intégralité n'est pas encore sûr, puisque je ne sais pas quel sera mon ressenti après avoir voyagé dans les cinq tomes. Je finirai même par miser sur un 10, en attendant, il est certain que l'entrée en matière par ce premier tome me donne tout sauf envie d'abandonner l'escalade de cette saga.

Je l'ai déjà dit, je classe Taniguchi selon deux genres : les déambulations (L'homme qui marche, Le gourmet solitaire) et les narrations (Quartier lointain, Un zoo en hiver). Si Les années douces ou Furari sont entre les deux, on peut juger que Le Sommet des Dieux aussi. Mais, à la différence, il n'aborde pas ces deux aspects en même temps ; cela dépend de l'œil avec lequel on le regarde, et plusieurs lectures sous différents points de vue s'imposent. On ne peut pas tout voir en une seule lecture, il faut prendre le temps d'étudier la montagne, de bivouacer, de réparer sa tente, et même de mener l'enquête.

À partir de là, l'œuvre est très riche. Si la découverte de l'appareil photo semble un peu ennuyeuse, Taniguchi prouve son talent lorsqu'on arrive dans la montagne. Il y a une marge entre les personnages, trop uniformes et aux expressions basiques — sauf Habu Jôji —, et les paysages, détaillés, monolithiques, imposants. On peut rester des minutes devant la même image et, en plus de contempler sa simple beauté, on apprend de plus en plus, on découvre des traits que l'on aurait pas pu voir avant. Les textes sont basiques, même la nouvelle " Un autre sommet " écrite à la fin par Taniguchi lui-même me laisse insensible, mais ce qu'on ressent est amené par les personnages et leurs destins. Le mystérieux Habu Jôji, d'abord rendu antipathique, se forge peu à peu une figure héroïque et le mangaka en fait, par ses traits et ses exploits qu'il illustre, un véritable héros.

Mais par le caractère froid de Habu, libre au lecteur de se forger son opinion, d'apprécier ces caractères et ces destinées, si tant est qu'elles existent. En illustrant l'histoire narrée par Baku Yumekakura qui crie haut et fort d'atteindre tous les sommets que l'on se fixe quoi qu'il arrive, Taniguchi offre des visions d'Everest, d'Annapurna, d'Oni-sura imposantes et terrifiantes, mais aussi sacrées et blanches. Il s'attaque à la face népalaise de l'Himalaya par la violence et s'oppose ainsi à son traitement pur et spirituel dans Tintin au Tibet, autre référence pour ces montagnes dans l'art. Mais c'est là sa grandeur : il n'empêche jamais ce sentiment qui est propre à ces mangas : cette impressionnante sensation de liberté.
Ashen
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 5 janv. 2013

Critique lue 456 fois

1 j'aime

Ashen

Écrit par

Critique lue 456 fois

1

D'autres avis sur Le Sommet des dieux, tome 1

Le Sommet des dieux, tome 1
Josselin-B
6

Voir Katmandou et mourir

C'eut été un comble pour Le Sommet des dieux de n'avoir aucun relief. L'œuvre n'est ni plus ni moins qu'une cure d'altitude artistique sobre et poignante qui nous fera gagner de la hauteur sur le...

le 31 mai 2020

3 j'aime

Le Sommet des dieux, tome 1
Ouaicestpasfaux
8

Rendez-vous en terre inconnue.

Sentiments légèrement partagés après la lecture de ce premier tome. Les premières pages du sommet des dieux partent sur une enquête passionnante qui nous fait habilement entrer dans l'univers de...

le 24 févr. 2014

3 j'aime

Le Sommet des dieux, tome 1
Tinou
8

Critique de Le Sommet des dieux, tome 1 par Tinou

Ce qui frappe d'emblée à l'ouverture de ce premier tome, c'est le travail magistral sur les décors : les montagnes sont imposantes et les scènes d'alpinisme spectaculaires. À travers une enquête sur...

le 21 oct. 2015

2 j'aime

Du même critique

Huis clos
Ashen
9

L'enfer, c'est nous.

" Oui, c'est Jean-Paul Sartre qui l'a dit, c'est trop vrai, l'enfer, c'est les autres, parce qu'ils sont méchants qu'ils font du mal et qu'ils devraient pas exister, Sartre c'est trop un rebelle t'as...

le 1 août 2012

53 j'aime

Journal d’une femme de chambre
Ashen
3

Journal de Léa

L'avant-première du Journal d'une femme de chambre a eu lieu au Mk2 Bibliothèque le 23 mars 2015. Benoît Jacquot et Léa Seydoux sont apparus sur scène trois minutes, puis ont disparu. Benoît Jacquot...

le 26 mars 2015

18 j'aime

2

Serena
Ashen
7

Sérénité

Serena, c'est beau. Il y a des paysages des forêts brumeuses dans les montagnes en Caroline du nord. C'est parfois très léché, l'architecture des villages et des maisons carrées aide beaucoup. Ça...

le 15 nov. 2014

18 j'aime

1