1946-47 / 1949, « Temple du soleil ».
Beaucoup de choses ayant été dite sur l'épisode je propose ici de simplement comparer l'édition définitive que nous connaissons tous avec la version originale composé des planches publié dans Tintin. Un exemple pour réfléchir comment la forme influe sur le propos d'un récit.


Contexte.


La comparaison entre les planches originales publiées en 1946-47 dans Tintin (réédité en fac-similé) et l'album édité par Casterman en 1949 fournit un exemple du hiatus existant entre les deux types de publications. En 1946  le lancement du Journal de Tintin, pose plusieurs problèmes à Hergé, la double page centrale en quadrichromie qui lui est réservée l'oblige compte tenu de l'ampleur du travail envisagé à adopter un format de 75 pages ''à l'italienne'' de 3 strips horizontaux s'opposant aux 62 pages verticales des albums Casterman. La poursuite d'une histoire entamée deux ans, « Les7 boules de cristal », plus tôt (décembre 1943 Septembre 1944) dans Le soir, lui impose également l'adjonction d'un prologue d'une planche résumant l'histoire déjà entamée qui ne sera pas repris lors de publication en album.

Changement de forme
Le changement de format impose également une réduction du nombre de cases qui prend plusieurs formes.
– Accroissement de l'ellipse intercase notament en résumant certains déplacements aux images de départ et d'arrivée.
– Raccourcissement de péripéties comme celle du chat qui trahit la présence du Tintin à bord du cargo Pachacamac.
– Suppression de péripéties au sein d'une séquence (ex: l'attaque du jaguar dans la jungle péruvienne).


De telles transformations ne sont pas complètement neutres. Le raccourcissement des déplacements atténue l'impression de la longueur du chemin parcouru. La suppression de péripéties au sein d'une séquence tend à affadir l'importance de certains seconds rôles comme Zorrino et Huascar. Au cours de la traversée de la jungle Tintin sauve Zorrino de l'étouffement d'un serpent géant, créant une dette de vie (séquence conservée) dont Zorrino s'acquitte à la page suivante en chassant un serpent venimeux qui menace le capitaine Haddock (séquence supprimée). Non essentiel au propos général de l'aventure cette coupure modifie cependant les rapports entres les personnages dans un sens inégalitaire le jeune Zorrino restant débiteur de son modèle Tintin.

Inflexion de sens
Le changement de format impose également de nombreux recadrages de cases modifiant l'impact émotionnelle du récit. L'image (page 47 de l'album) montrant Tintin, Haddock et Zorrino faisant irruption brutalement dans la grande salle du temple du soleil se trouve à la conclusion d'une la page et n'opère pas de rupture graphique par rapport aux cases précédentes.


La mise en scène en album opère, en jouant du passage d'une page à l'autre, une nette rupture graphique représentée par un changement de palette de couleur (passage de couleurs sombres à des couleurs vives) et un brusque changement de focale (passage d'une petite case à un demi page en plongée) destiné à accroitre la surprise et l'adhésion du lecteur.


La fin de l'aventure de la deuxième version fait également l'objet d'un redécoupage de l'organisation casuelle ayant pour but de mieux intégrer au récit le contrepoint comique opéré par les deux Dupont (d).

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le 11 juil. 2021

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