La meilleure copie de tous les temps !

C'est une histoire marrante que celle de la création des micronautes. Ça commence au Japon, avec les figurines Henshin Cyborg, dans les années 70. Un grand succès, visiblement. Puis, on décide de faire une version miniature des figurines (certainement moins chères, afin de toucher un public moins aisé), en passant de 38 cm à 10 cm de hauteur. Et l'on rebaptise ça Microman. Un tel succès qu'en 1975 on enterre Henshin Cyborg.
En 1976, la firme Américaine Mego acquit la licence, mais décida de diffuser les jouets sous le nom de The Micronauts.
Dans un malicieux coup marketing, Marvel obtient en 1978 les droits d'exploitation pour lancer un comics. Quoi de mieux, pour booster les ventes qu'une association jouets + comics, reposant sur cette idée toute bête : qui, gamin, ne voulait pas lire les aventures de ses jouets, et, inversement, avoir les figurines des personnages dont il lisait les aventures ?
Malheureusement pour Mego, il aura été difficile de faire face au succès des concurrents : les figurines Star Wars. En 1980, Mego met la clef sous la porte.
L'ironie, c'est que les Micronautes ont continué de vivre en comics, et on même eu droit à une mini-série avec les X-men, et des épisodes illustrés par Steve Ditko (co-créateur de Spiderman avec Stan Lee, pour ceux qui l'ont oublié), rien que ça !
Mais ça va plus loin : si l'on regarde de près, notamment les premiers épisodes (publiés en France par Arédit / Artima vers 1980) on réalise une chose qui crève les yeux tant elle est évidente. La série a été créée en ayant à l'esprit le succès de Star Wars, et en cherchant clairement à surfer dessus. Il n'y a qu'à voir le casting, et les prémisses de l'intrigue : un monde sous le joug d'un dictateur, le Baron Karza (étrangement vêtu d'une armure noire, avec un casque lui cachant le visage). Et une armée de rebelles, constituée du commandeur Arcturus Ran, aventurier explorateur grande gueule (pas loin d'un Han Solo), d'une princesse récalcitrante (Leia ?), un prince déchu d'un royaume lointain (Luke ?), un insectoïde (moins de poils et plus bavard que Chewbaca, mais animal quand-même) et la perle : Biotron et Microtron, deux robots, dont le plus grand est plutôt prompt à blablater et assez poltron. De même, les couvertures des opuscules présentent des compositions et une énergie générale, mettant en scène dans des postures héroïques les protagonistes, assez semblables à celles des comics Star Wars. Comics publiés par... Marvel Comics !
C'est là l'originalité de cette copie : Marvel, plutôt que de pondre une nouvelle série pour combattre les créations DC (on sait combien DC et Marvel se sont, de tous temps répondu dès qu'il y avait un succès chez l'une ou l'autre des deux maisons), prends l'étonnante décision de se copier elle-même.
On pourrait s'arrêter là, tant ces quelques anecdotes sont déjà bien poilantes à elles seules. Mais ça serait alors oublier le best du best de tout ça : la série scénarisée par Bill Mantlo est plutôt bien, voire même assez top.
Il suffit de comparer avec les comics Star Wars (dont la publication débute à peine un an plus tôt) : après les premiers numéros qui sont une simple adaptation du film (le futur épisode IV, seule et unique référence à l'époque), Roy Thomas doit inventer de nouvelles aventures. Il se pose à lui un double problème : inventer, tout en restant fidèle. Les récits semblent donc un éternel brodage autour du film, et reprennent à chaque fois les mêmes éléments, transposés à de nouvelles situations. Et c'est sans compter les flashbacks, ou rappels, dont les histoires sont ponctuées, pour bien résonner avec le film. Ce qui, au final empêtre un peu le tout, et s'avère aujourd'hui, lisible seulement avec un certain recul, un peu moqueur.
De son côté Bill Mantlo, lui aussi tenu par un double cahier des charges, réussit pourtant à dépasser tout ça. Le cahier des charges est donc celui-ci : mettre en scène les micronautes (les figurines, donc), tout en positionnant la série dans le créneau Star Wars. Mais voilà que de là découlent quelques idées de génie : un) la taille réelle des micronautes, une fois passé la barrière des dimensions, s'avère être d'une dizaine de centimètres dans notre monde ! Je ne sais pas si c'est Bill, ou Mego qui a eu cette idée, mais ils ont fait fort : qui, gamin toujours, n'a pas rêvé de pouvoir rencontrer en chair et en os, grandeur nature, ses personnages favoris ? aller dans les égouts au côté de Michaelangelo ? avoir un vrai Transformer de la taille d'un camion citerne ? Avec les micronautes, les figurines font au final la taille qu'ont les personnages dans l'histoire.
Mais Bill ajoute d'autres éléments pour donner une orientation unique à la série : il invente la Banque des corps. Sorte d'hôpital, où, contre une belle somme d'argent, on peut acquérir une sorte d'immortalité. C'est-à-dire, un nouveau corps en remplacement de celui qui va dépérir. C'est donc le Baron Karza, le grand méchant, qui est à la tête de l'entreprise, dont il a fait d'ailleurs une affaire d'état, puisqu'il obtient les pleins pouvoirs sur le Microverse en échange de ce service. Service, auquel, bien entendu, n'ont droit que certaines classes. De façon assez subtile, Bill glisse ici, dans un comic à destination de bambins, une réflexion sur le pouvoir et la soumission, sur l'entertainement (puisque les populations immortelles n'ont désormais plus qu'à tuer le temps) et les inégalités. Le combat des rebelles prend alors des proportions assez différentes de celles de la lutte la Force v.s. la Force Obscure, le bien, le mal... etc de Star Wars...
À ça s'ajoute les inventions pseudo-scientifiques ahurissantes pour faire passer les héros dans notre monde, et les aventures qui en découlent. On se retrouve à terme à suivre plusieurs histoires en même temps : la lutte contre Karza dans le Microverse et les mésaventures sur terre, où soudain les personnages se retrouvent confronté à un monde de géants, le notre. Étonnamment, aussi stupide que cela puisse paraître, et notamment grâce aux inventions précisées ci-dessus, le récit captive et fascine. Il doit beaucoup aux dessins ultra dynamique de Michael Golden, qui réalise les premiers épisodes.
J'avoue pour ma part avoir été assez surpris lorsque j'ai lu les quelques numéros français trouvés par hasard chez un bouquiniste. Pour le coup, ça reste un de mes incontournables !
colville
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le 13 oct. 2010

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colville

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