Paris, 1858. Marie, la jeune employée rousse de la famille Jeaujard, est chargée d’accompagner mademoiselle Eugénie, la fille du colonel, dans tous ses déplacements. Y compris lors de ses fréquentes visites chez Edouard Lefort, le relieur de livres. Celui-ci ouvre les yeux d’Eugénie sur des auteurs aux écrits très éloignés de son milieu bourgeois: Proudhon, Bakounine, Thoreau. Dans le même temps, il en profite aussi pour faire découvrir à la jeune fille de bonne famille des plaisirs autres que littéraires. Mais cela, Marie l’ignore, lorsqu’elle attend patiemment Eugénie dans la cour. Arrive alors ce qui devait arriver: Eugènie tombe enceinte. Mais pas question pour le fier colonel de laisser un scandale éclabousser sa famille: lorsqu’Edouard vient demander la main de sa fille, il lui fait très clairement comprendre qu’il n’en est absolument pas question car ils ne sont pas issus du même monde. Au même moment, Eugénie se retrouve enfermée dans le couvent de Picpus, tandis que Marie est purement et simplement renvoyée, étant donné qu’elle n’a pas réussi à surveiller correctement sa jeune maîtresse. Une douzaine d’années plus tard, on retrouve Marie sur les barricades de la Commune de Paris, en train de servir la soupe aux combattants. C’est là qu’elle retombe sur Edouard, qu’elle avait perdu de vue depuis toutes ces années et qu’elle croyait parti aux Etats-Unis. Un peu plus tard, elle retrouve également Eugénie lorsque les Communards s’emparent du couvent de Picpus. Mais son ancienne amie a été privée de soleil trop longtemps: elle n’est plus que le fantôme de la flamboyante jeune femme éprise de littérature. Torturée et privée de tout pendant des années, Eugénie a sombré dans la folie. Ecoeurée par tant d’injustice, Marie décide alors de profiter du chaos créé par la Commune dans les rues de Paris pour régler ses comptes avec les religieuses, le colonel Jeaujard et même Edouard…


Troisième et dernier tome de la série « Communardes », l’album « Nous ne dirons rien de leurs femelles… » clôture de fort belle manière le triptyque consacré par le scénariste Wilfrid Lupano aux femmes qui se sont engagées dans la Commune de Paris, du nom de cette courte période d’insurrection populaire qui visait à créer une société plus juste et plus égalitaire au printemps de 1871. Mis en images par trois dessinateurs différents (Lucy Mazel, Anthony Jean et Xavier Fourquemin), les trois tomes de « Communardes » peuvent se lire indépendamment les uns des autres, même si leurs histoires et leurs personnages se croisent. Dans ce troisième album, on aperçoit ainsi la petite Victorine du tome 1 (« Les éléphants rouges »), de même que la flamboyante Dmitrieff, qui était l’héroïne principale du tome 2 (« L’aristocrate fantôme »). Une fois de plus, Wilfrid Lupano prouve avec la mini-série « Communardes » qu’il est capable d’aborder tous les styles et toutes les époques avec le même bonheur. Dans « Nous ne dirons rien de leurs femelles », qui est plus sombre que les deux précédents albums (ce que ne laisse pas forcément deviner le style de dessin de Fourquemin), Lupano parvient comme à son habitude à créer des personnages très forts et à raconter une histoire qui marque les esprits. Mais surtout, il conclut admirablement son exposé sur les « Communardes », en démontrant que ces femmes courageuses, qui ont depuis longtemps été oubliées par les livres d’histoire, ont posé les premières bases du féminisme. Hélas pour elles, la société de l’époque n’était pas encore mûre pour leurs revendications d’égalité et de liberté. La pauvre Marie va le découvrir à ses dépens…


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matvano
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le 18 mars 2016

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