Schéma réitéré pour ce nouveau volume : Alejandro Jodorowsky s’amuse à placer son héros dans une situation inextricable pour mieux alors jouer du deus ex machina, et raconte ici, délire ultime de science-fiction, comment Honorata la Trisaïeule a su échapper à sa mort programmée tout en laissant son époux et son fils dans l’ignorance, persuadés de son sacrifice et affamés de vengeance.


La sorcière amoureuse et déterminée manigance alors pour s’emparer du corps fantôme d’Oda,


et l’auteur termine ainsi sa courte narration de l’oedipe familial en l’intégrant parfaitement au mythe des Méta-Barons.


Le fils moralement incestueux est décapité.


Le père fuit en ne laissant à sa mère que le corps de son fils nouveau-né : à elle de le sauver avant de tenter d’en faire un guerrier extraordinaire qui saura, le moment venu, accomplir sa propre destinée, devenir à son tour le seul et unique Méta-Baron, craint de tous.


Côté dessin on apprécie d’enfin admirer l’Imperoratriz de Juan Gimenez lors de deux importantes séquences, et l'on retrouve avec plaisir de nombreux grands tableaux de guerres stellaires où s’agitent d’aussi nombreuses créatures délirantes et monstrueuses : insectes voraces, zombies déchaînés, hommes-poissons en déroutes, singes divers et une race d’ovins humanoïdes avides de territoire. Le bestiaire est riche et magnifique, le trait de l’artiste l’est tout autant, et La Caste des Méta-Barons s’affirme toujours un peu plus comme



une grande série graphique,



un bijou du neuvième art aux multiples facettes.


Une guerre totale se profile, deux galaxies s’affrontent. Chacune d’elle est menée par un champion et ceux-ci s’affronteront en combat singulier : un méta-baron chacune, le père contre le fils. Alejandro Jodorowsky, par-delà le puzzle politico-martial développé tous azimuts, retombe sur les pieds de son récit : après cet album de la mutilation du fils, le final annonce le prochain rendez-vous avec l’affrontement initiatique ultime du guerrier, et la fin prochaine d’Aghnar le Bisaïeul.



Une histoire d’hommes.



Où une nouvelle fois, la femme du titre n’est qu’un prétexte dans la lignée sanglante, simple corps à la volonté abandonnée, niée sous celle d'une sorcière manipulatrice.


Nouvel album un peu bancal, encore une fois sauvé par le côté mythe et l’impressionnant travail de Juan Gimenez. Le scénario avance avec les faiblesses inhérentes aux délires fantasques et fantastiques d’Alejandro Jodorowsky,



entre éclairs lumineux d’un génie hyper cultivé et déficiences rythmiques d’une imagination emportée trop loin dans ses propres excès



pour avoir le recul nécessaire à une lecture dépassionnée.
Et cependant, malgré longueurs et ellipses incompréhensibles, malgré l’obsession machinatrice de l’auteur, il reste quelque chose à chaque climax et à chaque suspense, une envie dévorante d’en savoir plus, de continuer de se confronter aux cauchemars cybernétiques et profondément humains de ces invincibles guerriers nés dans la douleur, mère de tout mouvement au cœur des hommes.

Matthieu_Marsan-Bach
7

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le 3 juin 2016

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