C'est déçu que je referme le bouquin sur mes genoux. Le précédent album était tellement bien ficelé et rythmé... Tout semblait crédible. Ici Hergé semble pressé par le temps pour en finir avec cette histoire ou bien il n'est plus motivé..


C'est donc l'histoire qui m'a chagriné. Tout d'abord le temps du voyage. S'il n'y avait pas ces panneaux indiquant 4 jours plus tard, le lecteur aurait l'impression que le voyage n'a duré que le temps d'un petit après midi ensoleillé. Déjà, le trajet jusque la lune est tellement bref... rajoutons à cela une certaine naïveté et une sacré incohérence servant de péripétie : Haddock, ivre, sort de la fusée en marche ce qui provoque son arrêt. Alors que l'album précédent montrait un nombre de précautions étonnant, cette scène semble sortie ici de l'imagination d'un enfant.


Autre problème, l'attente de l'ennemi est ici devenue agaçante. Alors que cette même attente nous tenait en haleine dans 'Objectif Lune', ici elle agace. Pourquoi? Parce que Hergé, en repoussant l'arrivée de l'ennemi a fait fonctionner nos méninges malgré lui et le lecteur s'attend au pire. Et le pire c'est ça? Un méchant stupide et un scientifique tenu en chantage? Déjà ces ennemis ne se révèlent qu'au deuxième tiers de l'histoire. Mais lorsqu'ils agissent c'est avec la plus simple stupidité: ils veulent démarrer la fusée pendant que tournesol fait ses recherches en tank...Mais... pourquoi ne pas attendre que le professeur revienne avec le fruit de ses recherches et l'éliminer ensuite... ce ne serait pas compliqué puisque le méchant a un flingue et qu'il ne semble pas gêné de tirer dans la fusée...(ce qui n'est pas malin non plus)... bah oui c'est quand un but de leur expédition, voler toutes les recherches, pas juste la fusée... mais non apparemment ce n'est pas son truc de réfléchir. D'ailleurs il est prêt à tuer son complice, qui est le seul à pouvoir piloter l'engin...


Mais ces incohérences ne sont pas juste le lot des méchants... Nos amis aussi agissent étrangement. J'ai déjà mentionné le cas Haddock (qui implique l'incohérence technique d'une fusée qu'on arrête comme ça aussi facilement en ouvrant une simple porte). Il y a ce fait étrange de l'eau sur la lune. Tryphon dit qu'il n'y a pas d'eau mais qu'il y en a eu. Tintin le confirme, stupéfait, en voyant des stalactites. Ensuite, il tombe sur un sol fait de glace... et se sert même d'un ptit glaçon pour se creuser un chemin de sortie... Cette dernière étape ne semble étonner personne. Qu'il y ait des stalactites oui, mais pas qu'il y ait de la glace. Et pensez-vous que Tintin conserverait son glaçon pour des analyses? Nenni!


On constatera également le retour des Deus Ex Machina mal venus et, une fois n'est pas coutume, un Malus Ex Machina: Boris, ligoté fermement par Haddock affirme qu'il a un plan... plus tard les Dupondt décident de le détacher de ses liens pour lui passer les menottes, c'est plus sûr... et voilà Boris évadé car bien sûr son plan c'était ça, attendre que les Dupondt viennent lui passer les menottes, en profiter pour les assommer et être libre! Tintin, lui a bien sûr la chance que Boris ne sache pas faire de nœud correctement.


On remerciera Hergé d'avoir évité le pire en imaginant une vie sur la Lune, bien que les traces de pas trouvées par les Dupondt ne trouveront jamais un éclairage juste. Je rappelle qu'ils gambadaient et sautaient chacun à leur tour, donc qu'ils n'étaient pas l'un à côté de l'autre... quand ils trouvent ces traces de pas parallèles. Tournesol leur dit qu'il s'agit certainement de leurs propres pas comme ce fut déjà le cas dans le pays de l'or noir. Pourtant, même lorsqu'ils retournent vers la fusée, on peut constater que leurs jambes ne sont pas parallèles... et vu qu'ils ne marchaient pas de façon synchro avant non plus... Bon il y a fort à parier qu'Hergé a juste tenté de faire un running gag (cet album en est rempli) mais que ça ne s'est pas révélé très efficace et que donc toutes mes interprétations ne sont pas du tout voulues par Hergé.


Hergé a aussi cette manie de vouloir absolument reprendre des méchants déjà utilisés. Ainsi, Boris est tiré de l'album "Le sceptre d'Ottokar". Ce stratagème peut amuser de temps à autres, mais agace dans cet album. Surtout que Boris ne m'avait clairement pas laissé un souvenir impérissable.


Question gags, je suis mitigé. Il y en a quelques un qui sont très drôles et d'autres à la limite du supportable... on notera aussi que les chevelures colorées des Dupondt disparaissent sans que personne n'y fasse allusion. Tout d'un coup paf ils retrouvent leurs cheveux normaux.. eux même n'en parlent pas. Étrange


Enfin, Tintin revient au devant de la scène; Haddock est juste là pour amuser la galerie. Alors que ce dernier nous touchait dans 'Objectif lune' ici il agace par sa bêtise. Tandis que Tintin redevient ce personnage parfait. Il est d'ailleurs le seul à ne pas trinquer à la fin (aucun verre d'alcool dans ses mains!).


Mais passons au dessin! S'il l'auteur a raté le coche scénaristiquement parlant, il prouve à nouveau sa maîtrise totale de la plume dans cet album lunaire. On peut y retrouver les masses de noirs si réussies et pourtant si rares dans les derniers albums. Les 'paysages de mort' sont grandioses. Question découpage c'est assez fluide ; Hergé joue toujours plus de la taille de ses vignettes, et évite toujours d'en mettre plus de 3 par strip.


Bref c'est un album assez décevant, comme si Hergé était dans une de ses fameuses dépressions lors de l'élaboration de cette suite. Le chemin ne semble plus tracé d'avance mais plutôt improvisé tant il y a d'incohérences (importantes ou non). L'histoire qui promettait d'être la plus passionnante continue de faire rêver surtout en replaçant dans le contexte d'origine, mais donne clairement l'impression d 'un essoufflement. Ça reste un album incontournable grâce à ce qui a été installé précédemment, mais ça n'est certainement pas le meilleur!


PS: un dernier fait étrange, Hergé ne prend jamais la peine de dessiner le Soleil... (on notera aussi qu'il n'avait pas pensé au fait que, sans atmosphère, les rayons du soleil sont censé être aveuglants, et que donc nos chers petits tintinautes auraient dû avoir une protection à cet effet...Peut être que s'il avait dessiné le soleil, il y aurait pensé. Ou bien qu'il n'a pas dessiné le soleil parce qu'il s'est rendu compte de son erreur trop tard. Parce que s'il est assez instruit pour nous sortir tout un blabla technique sur l'apesanteur etc, il devait être conscient des dégâts qu'occasionneraient les rayons du soleil.

Fatpooper
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le 5 déc. 2011

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