À lire en complément de ma critique de Jojo's Bizarre Adventure.



L'entame de l'épopée Joestar se sera voulue curieuse. «Bizarre», auraient même clamé les mauvais esprits que je sais nombreux à scruter cette critique. Avec Phantom Blood, c'était bien la première fois que je lisais un manga se déroulant en Angleterre à l'époque victorienne - car pour les Japonais, l'Angleterre semble n'avoir existé qu'à cette période précise de son histoire - où les froufrous et autres mignardises gerbantes auront laissé place à quelques nouvelles perspectives bien mieux disposées à m'enjôler.
Les bals, les robes et toutes les affèteries de la bonne société britannique, pensez donc si je m'en fous. Non, parlez-moi plutôt de la basse plèbe, celle qui, en ce temps-là, accablée par la révolution industrielle, famélique et sans scrupule, s'entredévorait dans les rues de Londres comme de gros rats à l'appétit féroce. Une douce synthèse mêlant harmonieusement Lady Oscar et Battle Royale, c'est un peu ça Phantom Blood. Avec des vampires bien entendu, car toute fiction sérieuse prenant place à cette époque se doit d'incorporer des vampires.


Une histoire qui, si elle est franchement classique dans le schéma qu'elle semble s'être prérédigée dès la première page, surprend par sa tonalité. Mille-neuf-cents-quatre-vingt-six, c'était une année où l'on pouvait encore se permettre quelques libertés dans le milieu du Shônen. Rien d'extravaguant, simplement ce qu'il fallait pour écrire une histoire correcte. Au regard de mes critères de notation en matière de mangas, on me suppose difficile et un brin tatillon pour ne pas dire absolument casse-couille ; mais en définitive, je ne demande pas grand chose. Un pas grand chose que bon nombre d'auteurs aujourd'hui ne sont plus foutus de fournir.


Dio, dont on a exagérément loué le charisme, reste tout de même cet antagoniste qu'on se plaît à détester. Avant de connaître l'hubris et que sa mégalomanie ne se manifeste sous des rires de déments, il avait été un personnage complet. Petit parvenu issu d'un foyer pour le moins défavorisé, son absence de scrupule alliée à sa plus parfaite ingratitude nous heurteront plus que tous les méfaits commis par pléthore d'antagonistes de Shônen. Un kikoha de Freezer m'aurait, je pense, fait moins mal que les trésors d'ingéniosité employés de sorte à isoler le débonnaire Jonathan, le privant tour à tour de son amour de jeunesse, son plus fidèle ami et du respect de son père. C'est bien amené, c'est propre, c'est même plutôt intelligent et surtout, ça change. La cruauté ici est à portée de tous. Il ne s'agit pas d'un de ces méchants surpuissants qui sèment la destruction parce que. Dio est un homme, rien qu'un homme... avant de devenir plus tard un vampire puis un dinosaure.... c'est compliqué Jojo's Bizarre Adventure. Mais du temps où il n'avait que ses propres ressources sur lesquelles compter, on pourra dire de Dio qu'il en aura fait le meilleur usage pour usurper l'héritage des Joestar.


Face à lui, Jonathan. Il est jeune, il est beau, il est pur, il est innocent, il est preux, il est...... chiant comme les pierres. Peut-être Dio n'aura-t-il finalement tant resplendi aux yeux des lecteurs que par le contraste qu'aura suggéré l'insignifiante existence de Jonathan. Le personnage n'a aucun défaut au regard de ses mœurs ; il en est tellement lisse que la pluie semble lui glisse vraisemblablement dessus sans le mouiller. Au final, il ne se sera révélé intéressant que durant le temps de l'intrigue où il aura été persécuté. Passé cette période de sa vie, il sera ce chevalier sans armure aux idées propres qui... enfin... vous connaissez la suite ; une histoire de veuve et d'orphelins.


Nonobstant celui qui sera le personnage principal de l'intrigue ou bien de Speedwagon qui ne chroniquera ses faits et gestes que pour la simple finalité de commenter sans servir à quoi que ce soit d'autre, le récit ne perd pas de son piquant. Ce qui tenait initialement d'une tragédie sordide où un intrus cherchait à nuire à ses bienfaiteurs pour prendre leur fortune change du tout au tout. Voici que le point de bascule nous frappe en pleine gueule après avoir menacé de tomber comme un couperet durant les deux premiers volumes. Des vampires, d'accord. Mais des vampires à une époque où cela n'était pas une mode déclinée sous tous les supports envisageables. Et pas des gentils vampires sophistiqués, je vous prie de le croire. Les choses deviennent tout de suite plus salissantes quand on introduit Jack l'Éventreur dans l'équation. Personnage ici assez mal exploité de surcroît et qui aurait gagné à être mis à contribution avec davantage de soins.


Le concept de l'Onde, l'énergie surnaturelle chargée de doter les personnages de pouvoirs, reste vaporeux ce qu'il faut pour qu'on n'en connaisse pas les limites exactes et, à ce titre, autorise l'auteur à prendre quelques libertés inattendues durant ses combats. Combats palpitants au demeurant. Déjà, le talent de mise en scène de Hirohiko Araki nous saute à la gueule alors que s'orchestre le combat contre Tarkus et Bruford. Même sans les stands, les combats n'ont absolument rien à voir avec ce qu'on aurait pu lire ailleurs ; c'est frais, nouveau, innovant et, ainsi mis en image par l'auteur, ça ne peut que s'apprécier.


Sans que la fin des hostilités, pour le moins prématurée - cinq volumes en tout rappelons-le - ne gâche notre plaisir, elle n'aura pas la même intensité que les combats précédents. L'affrontement «final» contre Dio, en dépit de ses rebondissements divers, n'aura pas vraiment su capter l'attention du lecteur séduit que j'étais jusqu'alors. Après que la barre ait été mise si haute par Tarkus et Bruford, on en attend trop. Tonpetty et compagnie n'arrivent que bien trop tard pour seulement avoir un rôle à jouer dans un si court délai, tout semble précipité et quelques étapes intermédiaires apparaissent manquantes d'ici à ce que la conclusion n'ait lieu. Phantom Blood aurait gagné à présenter un ou deux antagonistes marquants supplémentaires pour être véritablement complet.


Mais ce qui nous semblait convenu dans le déroulé de son intrigue prend au dépourvu le temps d'un dernier chapitre on ne peut mieux désigné pour clore une tragédie comme il se doit. Une tragédie qui ne manquera pas de battre le rappel pour que se poursuive une aventure de près de trente-cinq ans à ce jour et qui n'a pas fini de se perpétuer.


Du chemin aura été parcouru depuis lors. Phantom Blood, c'était aussi un galop d'essai pour son auteur. Son style graphique se voulait intégralement plagié sur celui de Tetsuo Hara et aura évolué radicalement par la suite. On ne pourra pas en dire autant de l'histoire qui, de partie en partie, continuera de suivre des schémas on ne peut plus basiques malgré quelques agréables surprises.
Pour ceux qui s'en seraient tenus à la seule lecture de Phantom Blood et n'en auraient pas été satisfait, votre dépit est prématuré. Ce que je m'apprête à rapporter n'est pas une recommandation mais une prescription : ne vous découragez pas si tôt, car, de la légende Jojo's Bizarre Adventure vous n'avez encore rien vu à ce stade.

Josselin-B
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le 23 janv. 2021

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Josselin Bigaut

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