Planète Dakoï - Kookaburra, tome 1
6.7
Planète Dakoï - Kookaburra, tome 1

BD franco-belge de Crisse (1997)

Aujourd'hui, j'ai envie d'aborder un sujet un peu spécial avec une série de BD assez singulière : Kookaburra


C'est une série un peu particulière que j'ai lu pour la deuxième fois : en effet, la première lecture que j'en ai eu il y a quelques années m'avait laissé perplexe ; c'est pourquoi j'ai décidé ces dernières semaines de la relire afin de voir si mon avis allait être le même qu'il y a 3 ans et comprendre pourquoi j'étais si mitigé. Et le fait est que je suis resté tout aussi perplexe.
Mais pourquoi donc ?


Patience. Avant toute chose, procédons à une petite présentation de l’œuvre.
Kookaburra est une série de BD de science-fiction dont la publication a commencé en 1997 et dont le dernier tome de la série mère est sorti en 2010 (parce que oui, il y a toute une constellation de spin-offs toujours en cours de publication). La série est scénarisée et dessinée par Crisse mais c'est Mitric qui a pris la relève au crayon à partir du tome 4.
Concernant l'intrigue, pour faire vite c'est l'histoire d'une prophétie cosmique avec cinq enfants dieux éparpillés dans l'univers sur fond de mythologie aborigène. L'histoire est partagée entre les différents (et nombreux personnages), ce qui emmène le lecteur aux quatre coins de la galaxie.


Mais c'est maintenant que commencent les embrouilles.
En effet, l'histoire nous présente beaucoup de personnages importants (les enfants de la prophétie qui sont chacun de leur côté, les snipers de l'Alliance Terrienne -Dragan Preko et Skull- ainsi que les personnages liés à tout ce joyeux petit monde dans leurs sous-intrigues), et cette quantité vient parfois faire défaut au récit. Il ne faut pas avoir peur de le dire parce que c'est la vérité, mais le fait est qu'il y a certains personnages et certaines sous-intrigues qui ne sont pas très intéressants à suivre et que mis à part Skull, il n'y a pas vraiment de personnages très attachants. Et tout ça sans parler du fait que les enjeux de certains personnages secondaires soient complètement catapultés, que des protagonistes soient complètement occultés ou évacués pour cause de « y'a pas le temps » ou que d'autres connaissent des revirements éclair. Et là je ne parle que du premier cycle (du tome 1 au tome 5), parce que le second cycle (les tomes 6 et 7) c'est encore une autre histoire mais avec les mêmes défauts en plus flagrants.
Tout ça pour dire que le récit n'est pas toujours très bien rythmé et très inégal : il peut être parfois lent comme il peut être parfois complètement expédié à la vitesse de la lumière (comme la fin du premier cycle ou le second cycle) et certaines parties, certaines sous-intrigues sont beaucoup plus intéressantes à suivre que d'autre (celles mettant en scène Skull et Preko sont les plus intéressantes et les mieux rythmées si vous voulez mon avis).


Le second motif qui peut causer des problèmes, c'est le dessin. Le dessin, en sois, n'est pas mauvais, loin de là : j'aime bien le trait de Crisse et je trouve que Mitric se débrouille pas mal (malgré le dessin numérique..). C'est juste que chez Crisse j'ai beaucoup de mal avec ses personnages féminins, la façon dont il dessine les gamins (avec une tête en forme de poire) mais aussi et surtout l'expression qu'il donne à leurs visages (qui varient entre « ndeuh » et « euh !? » -j'ai peut-être un peu exagéré-). Mitric rectifie un peu le tir là-dessus mais il met en évidence un autre problème : l'absence de charte graphique. En effet, déjà quand c'était Crisse qui dessinait, les uniformes et les vaisseaux changeaient pas mal d'un tome à l'autre (ce qui est un problème dans la cohérence de l'univers) mais quand Mitric a repris le dessin les différences sont passées à un autre niveau. Je vais prendre l'exemple de l'Enclume (le croiseur auquel sont affectés Dragan et Skull et à bord duquel pas mal d'événements de l'intrigue se déroulent) : le vaisseau est passé du style bien fonctionnaliste et militaro-industriel de l'USS Sulaco de Aliens à un truc tout propre comme le sénat galactique de Star Wars (le grand écart). Cette absence de cohérence est quand même dommage puisque tout n'est pas à jeter, il y a même des choses très belles (surtout dans les trois tomes de Crisse). Après il y a des choses que je ne cautionne absolument pas, comme la couleur numérique très laide et le délire furry de Mitric dans le second cycle (je sais que c'est un nouvel univers, mais quand même, respectez l'Humanité quoi).


Ces quelques mots sur le dessin me permet de soulever un autre problème de la série : les références.
Dans Kookaburra, il y a des références, beaucoup même. La saga Alien est très souvent citée : la planète Dakoï, le rat dakoïd de Skull qui rappelle explicitement nos amis les xénomorphes, le casque des pilotes de l'Alliance Terrienne qui est celui des combinaisons utilisées à bord du Nostromo, et enfin les boutades beaufs de Skull, Preko et des soldats de l'Alliance qui sont du même niveaux que celles des marines dans Aliens (des vannes qui sont parfois assez encombrantes dans Kookaburra car elles sont omniprésentes dans les passages avec Skull et Preko même si elles font souvent mouche). On retrouve même une référence à Dune avec le prince Lillian (un des enfants de la prophétie, un kwisatz haderach quoi), héritier de l'empire de Callystès à qui des sorcières font subir une épreuve mystique potentiellement mortelle (mais qui n'impliquait ni boîte, ni gom jabbar puisque c'était juste une boule) dont la mère est issue d'un ordre féminin semi-religieux qui case auprès des puissants de l'univers des filles éduquées par leurs soins afin de les contrôler (qui a dit Bene Gesserit ?) le tout dans un cadre assez dunesque (et là c'est un compliment parce que Callystès a de la gueule). Après ça, il y en a d'autres comme une très grosse référence à La Stratégie Ender.
Bref, tout ça pour dire que les références sont nombreuses, visibles et souvent maladroites. J'aime bien les références (surtout à des œuvres comme Dune et Alien que j'aime beaucoup), mais j'aime quand c'est bien fait, quand ça relève du détail discret, et pas quand c'est bombardé.


Je n'ai pas tout à fait fait le tour de ce qu'il y a à dire sur Kookaburra parce qu'il en reste encore, comme par exemple le récit qui renvoie constamment aux spin-offs (ce qui fait que le lecteur voulant parfaitement comprendre la série mère doit lire Kookaburra Universe et Kookaburra K), ce qui est gênant et ne permet pas d'apprécier la série principale pour ce qu'elle est (je n'ai rien contre les spin-offs, en sois ce n'est pas une mauvaise chose parce que beaucoup de séries en ont, comme Sillage, et les utilisent juste pour approfondir leur univers sans y faire tout le temps référence).


Pour conclure, je dirais que Kookaburra est une série qui avait bien commencé (les trois tomes dessinés par Crisse) et qui avait du potentiel (et qui en a toujours, puisque je conserve quelques bons souvenirs de certains spin-offs) mais qui a fini par se vautrer avec un scénario catapulté, un changement de dessinateur en cours de route et un deuxième cycle qui défie les lois de la physique.
La série se lit bien, il n'y a pas de honte à lire Kookaburra mais je conseillerai plutôt la lecture d'une autre série de SF dont la parution a commencé à la même époque : Sillage (que j'ai déjà chroniqué).


Ma note globale de la série serait donc un 5,5/10 (6 pour ne pas trop chipoter).

Baheuldey
7
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le 6 déc. 2016

Critique lue 410 fois

Baheuldey

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