Une terrible histoire nous est contée ici par Sébastien Gnaedig, dont je ne peux pas vous révéler grand chose ici, si ce n'est que la bande dessinée s'appuie sur le roman éponyme de Sorj Chalandon, écrit après la mort de son père.


Le décès est parfois une libération pour les autres, un soulagement, une respiration, qui permet de franchir des obstacles. Emile, personnage principal de l'album, avait déjà fait le deuil de son père, mais Sorj Chalandon ne pouvait écrire son histoire qu'après sa mort. Sébastien Gnaedig adapte donc ici un roman très fortement autobiographique, comme le confirme Sorj Chalandon dans un entretien :



J’ai un petit frère, Émile est seul. J’ai trois filles alors qu’Émile
a un fils. Je ne suis pas restaurateur de tableau. Voilà ce qui fait
le roman, la fiction. Le reste, tout le reste mis à part l’instant ou
Émile lève l’arme sur son père, a fait partie de mon enfance, a
construit ma vie. Comme Émile, je suis resté sans socle, sans
transmission, sans cet amour qui arme et cuirasse. Comme Émile, je ne
sais toujours pas la profession de mon père.



Le titre est lié à ça, l'incapacité de l'enfant à savoir la profession de son père, qui élude la question en proposant de mettre sur le papier de l'école "agent secret". Un père qui n'exerce pas convenablement sa profession de père, avec beaucoup de mensonges, de dévalorisations, mais aussi de violences physiques. Accompagné d'une femme soumise, également battue, qui aimerait protéger son fils mais ne s'oppose pas une seconde à son mari... On découvre donc une histoire familiale dramatique, et on éprouve de la peine pour tous ces personnages et ^particulièrement pour Emile dont la construction est bien sûr problématique.


L'album se lit aisément, on souffre avec cet enfant, sans parvenir à comprendre les parents. Mais l'ouvrage est un peu frustrant, il nous manque les origines de ce couple, on ne comprend pas bien pourquoi ça se passe comme ça, il nous manque des clefs. On nous en donne une à la fin, mais cela ne dit rien de ce qui a pu se passer avant. Il nous manque des clefs sur l'histoire de ce père. On a l'impression que l'auteur garde des éléments pour un prochain roman, qui pourrait être consacré à son père, car même si Emile Choulans / Sorj Chalandon, adulte, a fait le deuil de son père avant même sa mort, on imagine qu'il doit être toujours à la recherche d'explications.


Au final, l'album est plaisant mais insuffisant. Ce que dit @RunningJack dans sa critique est sans doute vrai : l'album est bien, mais le roman est sûrement plus intéressant, plus riche, malgré tout le bien que dit Sorj Chalandon de la bd dans la préface.

socrate
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le 6 janv. 2019

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socrate

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