Concevoir une bande dessinée sur la vie quotidienne d'une vieille dame acariâtre, fallait oser.
Lelong l'a fait. Avec talent. Avec esprit. Avec une ironie mordante. Avec tendresse aussi.

Le dessin, en noir et blanc, est précis et fourmille de détails. Il se montre également expressif au possible sur des faciès très hétéroclites. On pourrait dire que chacun a la gueule de son caractère. La trogne de Carmen Cru est bien peu avenante, ravagée par le temps et les Fernet-Branca qu'elle s'allonge dans la tuyauterie. Lelong a particulièrement travaillé les personnages qui sont le cœur de son propos. Leurs gueules, mais aussi leurs silhouettes, gestuelles et mimiques font sourire à chaque page. L'aspect vestimentaire de chacun est un clin d’œil supplémentaire de l'auteur au lecteur amusé.
Le décor alentour est soigné, apportant les incontournables éléments nécessaires à sa narration. Le cadre est posé. Qu'en est-il de la substantifique moelle ?

Les textes s'avèrent tout aussi riches que les dessins. Dans des histoires courtes, la vieille traîne sa carcasse sur son vieux cycle et emmerde ses voisins (lorsqu'elle éteint tous les compteurs électriques en sortant de sa cour), abuse des bonnes âmes (le curé qui répare son vélo) et rend fous les services où elle passe (le chef d'agence de la caisse d'Epargne). Par sa simple présence parfois, mais aussi par des gestes pleins de malice malveillante (donner du tabac à chiquer à une enfant -insupportable au demeurant- alors que la petite croit qu'il s'agit de réglisse s'avère jubilatoire) ou des paroles de vieillarde outragée, elle déclenche des réactions outrées ou stupéfaites de quidams qui n'osent trop s'en prendre à son âge vénérable. Elle en use et en abuse pour notre plus grand plaisir de lecteurs.

Carmen Cru, c'est de l'entretien des zygomatiques à chaque nouvelle page, c'est du comique de situation pour le spectateur et certainement une irrépressible envie d'homicide pour celui qui se trouve confronté à cette vieillarde décatie dont le caractère n'a rien en envier à la laideur.

Carmen Cru, c'est de l'humour d'une subtilité savoureuse mâtinée de tendresse pour ce personnage décalé.

Carmen, c'est cru.
Apostille
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le 15 mars 2014

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