L'attachement pour la médiocrité...

Les bidochon : c'est une bd avec un humour bien particulier que j'ai appris à apprécier avec les années, ce tome 1 est un classique du genre, un incontournable pour qui voudrait mieux connaître cet horrible couple attachant (Robert et Raymonde).

Elle, c'est Raymonde : elle est naïve, mais parfois sensée, négligée, et résignée.

Lui, c'est Robert : il est vaniteux, lâche, colérique, et peu délicat.

Ces quelques traits de caractères sont suffisants pour donner lieu à des situations toutes plus absurdes les-unes que les autres : de la rencontre du couple via une agence matrimoniale (remplacée depuis par des sites de rencontres souvent méprisables), à la recherche d'un premier appartement (que Robert ira chercher dans un ancien bordel qu'il fréquentait assidûment il fût un temps), en passant par le génialement drôle passage chez les parents de Robert, la bd aligne les chapitres décisifs dans l'installation du couple "Bidochon" avec son lot d'incongruités souvent marrantes et parfois plus subtiles qu'il n'y paraît.

Dans cet album, Binet ne s'est pas emmerdé avec les décors (remplacés par des indications paresseuses), il a néanmoins pris la peine de créer un couple attachant, drôle, et fascinant par sa médiocrité (Robert ne voyant dans sa femme qu'un "investissement", et Raymonde en son mari qu'un moyen d'échapper à sa vie de vielle fille qui dure depuis trop longtemps...). Un des points forts du style Binet dans les Bidochon (qui sera repris dans les tomes suivants) est sans doute cette théâtralité "imagée" lorsque celui-ci dessine dans ses bulles des dessins très expressifs donnant une idée du ton employé dans la bande dessinée (rat mort, ou couteau planté dans le sol, lorsque la belle-mère invective sa belle-fille par exemple...) et c'est furieusement drôle. Personnellement, je ne peux pas m'empêcher d'essayer d'imaginer ou de reproduire le ton des personnages lorsque je vois ce genre de petits dessins...

Les Bidochon (le tome 1 et la plupart des meilleurs tomes de la série) sont la preuve qu'il n'y a pas besoin de forcer le rire pour l'amener naturellement : un personnage grimaçant ou représenté avec des traits grossiers, un situation invraisemblable, une punchline par ci ou par là et le tour est joué, le point fort de la série étant de montrer le caractère risible du quotidien de deux français "moyens". Mais ce qui fait la force des Bidochon ce sont véritablement les personnages (notamment les deux principaux) qui parviennent à se rendre attachants dans leur médiocrité : ils sont maladroits, désespérément limités dans leurs aspirations et leurs idéaux, et finalement on a toujours l'impression qu'il y a un peu de Bidochon en nous malgré tout...bien plus qu'on ne voudrait le croire.

Ce premier tome est donc une voie d'entrée idéale pour appréhender les Bidochon : un coup de maître créant le rire assez rapidement (la visite des beaux-parents reste un des moments les plus drôles de la saga!), le tome 2 ne sera d'ailleurs pas aussi réussi malgré un effort de variation thématique. On notera également que le chien adopté par le couple (Kador, un compagnon canin kantien) ne fera pas de nouvelle apparition par la suite...ce qui donne tout de même la désagréable impression de dernière minute d'avoir lu l'ébauche d'un projet avorté au dernier moment rétrospectivement.

Qu'importe! Les Bidochon (tome 1) reste un incontournable de la bande dessinée française : cocorico!