Siegfried, tome 1
7.6
Siegfried, tome 1

BD franco-belge de Alex Alice (2007)

« - Que vois tu ?
- Rien.
- … mais encore ?
- RIEN ! … Les ténèbres ?
- Tu vois le commencement. D’ici, tu peux contempler ce monde et les autres, du début à la fin des temps ! Tiens, regarde la fin :
(…)
- C’est la même chose !
- A quoi bon se fatiguer n’est-ce pas ?
- Tu joues avec moi…
- D’habitude, les Dieux aiment jouer ! »

Jeune, Siegfried incarnait pour moi, le serviteur d’Odin le plus fidèle d’Hilda de Polaris, la prêtresse que Seiya et ses compagnons affrontaient lors de la bataille d’Asgard. Un guerrier puissant et prêt à se sacrifier pour ses idéaux.

J’apprendrai par la suite que ce personnage fait parti de la mythologie scandinave, germanique et islandaise, dont Richard Wagner écrivit un tout petit opéra de 15 h environ, Der Ring des Nibelungen. Un mythe qui va être à l’origine de bien d’autres, au premier rang desquels figure la littérature fantaisiste moderne, dont certains personnages de Tolkien en tireront une partie de leurs traits.

Il est important de mentionner ici ces 2 auteurs, car ils sont deux sources importantes de l’inspiration d’Alex Alice dans sa libre interprétation du mythe de Siegfried.

Suite à la naissance de l’Univers, Odin épouse la Terre et y gouverne le monde grâce au pouvoir de sa lance. Face à ce pouvoir semblant absolu, seule l’or peut permettre de vaincre le Dieu des Dieux, mais en contrepartie, qui conquiert l’or doit renoncer à l’Amour. Odin préférant éviter tout éventualité, décide de jeter l’or dans le plus profond des fleuves (le Rhin), dont il charge la première de ses filles d’en être la gardienne. Sous terre, vivaient les Nibelungen, un peuple de mineurs et de forgerons, parmi lesquels le plus vil et le plus laid d’entre eux, Fafnir, fut attiré par la déesse. Protectrice du fleuve, celle-ci repoussa sans cesse le Nibelung, jusqu’au jour où, contre la volonté d’Odin, elle tomba éperdument amoureuse d’un humain. Fafnir fou de jalousie s’empara de l’or et en fit forgé par Mime un anneau de pouvoir (one ring to rule them all) qui finit par le ronger et le transforma en un dragon super fort, mieux que ça même, un dragon sur puissant, forçant son peuple à l’exil, et qu’Odin tout Dieu qu’il était, ne pouvait vaincre. La divinité, qui dans sa colère avait ôté la vie de sa fille et de son amant, laissa la déesse mourante donner naissance à un enfant que Mime le forgeron prendra sous sa protection, à l’abri des hommes et des Dieux : Siegfried.

Ce premier tome nous conte la jeunesse du futur tueur de Dragon, son initiation et la découverte de ses origines. Habitant dans une forêt reculée à l’autre bout du monde et seul avec Mime et les loups, le gamin apprendra à devenir fort par sa propre volonté et son désir de retrouver les siens.

Appuyé par une narration bien maitrisée, Alex Alice nous livre ici un récit magistral qui rend un bel hommage à l’œuvre dont il est tiré. La mise en scène dynamique, empruntant tantôt aux comics, tantôt aux manga, est sublimée par des planches de toutes bôôôtées ! Non mais sérieusement, impossible de ne pas trouver ce genre de doubles pages parfaites : http://www.gwthomas.org/siegfriedaa2.jpg Si l’on retrouve du Gollum dans le graphisme de Fafnir au début de l’œuvre, puis du Smaug par la suite, le style se veut indéniablement franco belge dans le fond. Mais dans la forme, Alice va également chercher ses influences de l’autre côté de l’Atlantique, avec un Mime rappelant les Mystiques de Dark Crystal et un Siegfried au design limite Disney (oui oui j’ose !), les scènes avec les loups m’évoquant même le Livre de la Jungle. Quant à certaines scènes d’action, elles ne sont pas sans rappeler Batman himself. Ces sources d’inspirations s’étendent même jusqu’au Japon, certains aspects de l’œuvre se rapprochant de celle de Miyazaki, Princesse Mononoke en tête (http://www.bdtheque.com/inter/inter124_03.JPG).
Et encore je n’aborde les jeux de couleurs, d’ombrages ou bien la grande classe graphique d’Odin, dont on sent toute la puissance divine sur chacune des ses apparitions.

Ne connaissant que trop mal le mythe des Nibelungen, je souhaitais commencer par un écrit simple et épique, je crois que le contrat est largement rempli. A mon sens, on a affaire ici à une BD qui a su bien digérer ses diverses sources d’influences, qu’elles soient musicales - l’intro étant très Wagnérienne - littéraires, mais aussi graphiques. C’est du pur franco belge dans la manière de traiter la fantaisie, baigné dans une culture plus mondiale avec laquelle l’auteur a (certainement) grandi. Du coup, c’est un réel plaisir de lecture, voir une vraie claque dans la face. Il me reste - j’espère - 2 autres baffes à prendre avec les 2 tomes suivants.

A noter que j’ai vu qu’il avait bossé sur le Troisième Testament avec Xavier Dorison dont j’apprécie grandement le travail sur Les Sentinelles. Un auteur / dessinateur à suivre assurément.
Quick
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le 24 mars 2015

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