Slam Dunk
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Slam Dunk

Manga de Takehiko Inoue (1990)

(Texte comprenant des spoils)


Après avoir vu et apprécié The First Slam Dunk, fatalement, j’ai ressenti l’envie de prendre enfin le temps de me plonger dans le manga, de ne plus me contenter de mon visionnage déjà ancien de la vieille série TV. Fort opportunément, mon fils cadet a utilisé ces dernières années une partie de son argent de poche pour se procurer l’intégralité des vingt volumes de la « Star édition ». Un poil petit pour mes vieux yeux, j’eusse préféré me plonger dans l’édition dite « Perfect » qui, comme de bien entendu, est de nouveau republiée juste au moment où je me décide à lire Slam Dunk. Mais n’ayant pas vraiment envie d’attendre plusieurs années pour lire tout l’histoire, je me suis contenté d’une expérience en tankobon. Après tout, pour un shonen, ça fait sens. Les premiers lecteurs japonais de Slam Dunk n’avaient pas à disposition une édition luxueuse, ils devaient se contenter du format le plus populaire…

Alors oui, le format ne rend pas pleinement justice au trait d’Inoue, mais ce n’est pas grave. Dévorée en une dizaine de jours, l’histoire développée sur vingt volumes a parfaitement su me rendre accro et enchanter les premières belles journées printanières. Ah ! le printemps ! Y a-t-il de meilleure saison pour lire les aventures sportives de jeunes héros d’un shonen ? Ayant la réputation d’être l’un des tous meilleurs mangas sur le sport (si ce n’est le meilleur), Slam Dunk a parfaitement su faire son profit d’une chronologie concentrée sur une seule année de lycée, alors que certains des personnages (Kogure et Akagi) sont en terminale et vivent donc leur dernière année de basket en compagnie des autres joueurs. Vingt volumes pour une seule année… et seulement six matchs. Au lieu d’une bonne dizaine si l’équipe de Shohoku n’avait pas eu l’idée de perdre lourdement après son triomphe contre Sannô (match qui est le sujet du dernier film). Vingt volumes pour un ratage donc ? Pas vraiment, car l’essentiel pour Shohoku est ailleurs.

C’est que l’équipe de Sannô est l’équipe reine. Elle est aussi une sorte de double de Shohoku. Ayant tous le crâne plus ou moins rasé, les joueurs de Sannô m’ont parfois donné l’impression d’être des Sakuragi-Rukawa-Akagi-Mitsui-Ryota bis ayant maîtrisé leur feu intérieur afin de viser à la perfection. Intelligents, comprenant tout de suite la valeur de leur adversaire, ils se montrent respectueux, souvent admiratifs et surtout encore plus combattifs pour mater cette équipe de sales gosses en permanence sur courant alternatif mais qui, dans ses bonnes phases, joue prodigieusement bien. Accessoirement, ils sont aussi capables de chambrer (que serait un sportif ado sans chambrage ?) et même de se chambrer entre eux, mais rien à voir avec les excès drôlatiques des branleurs de Shohoku.

Il y a dans Sannô une pureté intouchable. Et que Sakuragi décide, à la moitié du manga, de se couper les cheveux très courts pour symboliquement tourner la page du furyo qu’il était afin de devenir pleinement un senshu (sportif) annonce finalement la rencontre contre Sannô qui constituera la fin idéale. Alors, bon, dire que Sakuragi (surnommé dans les derniers volumes « le bonze roux ») devient un « pur », il faut le dire vite tant il paraît bien souvent aussi crétin et insupportable que dans les débuts. Mais dans la fulgurante évolution sportive qu’il connaît durant cette année de lycée, il finit bel et bien par atteindre à une certaine pureté dans le basket, comme en témoignent de sublimes cases pleine planche dans lesquelles Inoue offre à Sakuragi une posture et une gestuelle quintessenciées suscitant l’admiration de tous (coéquipiers, adversaires et spectateurs) et même le respect de son principal rival, Rukawa. Ce dernier est sans doute celui disposant du plus de maîtrise technique. Et pourtant, paradoxalement, Sakuragi finit par devenir le meilleur joueur de Shohoku.

Et cette pureté enfin atteinte se retrouve chez les autres joueurs. Pour Akagi, ce match est son chant du cygne, il ne jouera plus jamais au lycée. Mais il termine en battant les meilleurs parmi lesquels figurent les pivots adverses, les terribles frères Kawata (aka le gorille rond et le gorille mou, selon Sakuragi). Mitsui termine définitivement sa rédemption. Son physique, malmené par des années de glandage avec sa bande, a beau être en permanence au bord de la rupture, il lui permet tout de même de livrer sa ration de merveilleux trois points salvateurs. Miyagi parvient à sublimer sa vitesse pour prendre le meilleur sur ses adversaires. Et Rukawa, malmené en un-contre-un par Sawakita, atteint lui aussi à une pureté tout « sendoesque » en ajoutant une corde à son arc : celle du passeur.

Que deviendra Shohoku l’année suivante, cette fois-ci sans Akagi ? Question qui fait rêver, qui donnerait envie d’une suite. Mais à vrai dire, elle semble aussi de peu d’intérêt. La mini-odyssée a été accomplie, odyssée qui a permis à cinq personnage de se rencontrer et d’atteindre à une forme de pureté dans l’excellence sportive (j’ai apprécié comment Inoue, par de petits détails, fait sortir l’impassible monsieur Anzai de sa légendaire réserve lorsqu’un haut fait est accomplis par un de ses joueurs ; d’ailleurs, cette idée de pureté touche concerne aussi Inoue, la maîtrise graphique des premiers tomes n’ayant rien à voir avec celle des derniers). Ce sont cinq diamants qui sont parvenus à s’extraire et qui ont commencé une opération de polissage, opération qui ne demande qu’à être poursuivie sur d’autres matchs. Mais à quoi bon ? Dans quel but ? Jouer la carte du toujours plus spectaculaire, tomber dans une redondance un peu idiote façon Dragon Ball Z et finalement perdre la beauté juvénile de ce récit concentré sur une seule année de lycée ? Dans son format manga, Slam Dunk a tout dit. Terminer sur l’équipe de Sannô dont les membres ont tous les cheveux courts était peut-être pour Inoue autant une manière d’accentuer cette idée de pureté que d’exprimer peut-être une forme de lassitude devant la nécessité d’imaginer, pour chaque nouvelle équipe affrontée par Shohoku, cinq nouveaux joueurs au physique plus ou moins typés. Au bout d’un moment, cela n’aurait plus eu beaucoup de sens.

Que deviendra Shohoku l’année suivante, cette fois-ci sans Akagi ? Question qui fait rêver, qui donnerait envie d’une suite. Mais à vrai dire, elle semble aussi de peu d’intérêt. La mini-odyssée a été accomplie, odyssée qui a permis à cinq personnage de se rencontrer et d’atteindre à une forme de pureté dans l’excellence sportive (j’ai apprécié comment Inoue, par de petits détails, fait sortir l’impassible monsieur Anzai de sa légendaire réserve lorsqu’un haut fait est accomplis par un de ses joueurs ; d’ailleurs, cette idée de pureté touche concerne aussi Inoue, la maîtrise graphique des premiers tomes n’ayant rien à voir avec celle des derniers). Ce sont cinq diamants qui sont parvenus à s’extraire et qui ont commencé une opération de polissage, opération qui ne demande qu’à être poursuivie sur d’autres matchs. Mais à quoi bon ? Dans quel but ? Jouer la carte du toujours plus spectaculaire, tomber dans une redondance un peu idiote façon Dragon Ball Z et finalement perdre la beauté juvénile de ce récit concentré sur une seule année de lycée ? Dans son format manga, Slam Dunk a tout dit. Terminer sur l’équipe de Sannô dont les membres ont tous les cheveux courts était peut-être pour Inoue autant une manière d’accentuer cette idée de pureté que d’exprimer peut-être une forme de lassitude devant la nécessité d’imaginer, pour chaque nouvelle équipe affrontée par Shohoku, cinq nouveaux joueurs au physique plus ou moins typés. Au bout d’un moment, cela n’aurait plus eu beaucoup de sens.


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Créée

le 23 mars 2024

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