Target X - X-23 (100% Marvel) par Antevre

Il y a une tendance observable des suites de faire moins bien que le premier volet, quel que soit le média. C'est très loin d'être une règle absolue, mais ça se vérifie très souvent. Parfois, c'est pour avoir calqué tellement la structure du premier que le résultat final, sans être forcément mauvais, n'apporte rien et ne produit plus l'effet de surprise de son aîné; dans d'autres cas, le matériau d'origine est tellement distordu pour correspondre à la nouvelle idée de l'équipe créative (qui n'est d'ailleurs plus toujours la même) que le propos est dénaturé et perd ce qui faisait son intérêt et son succès au départ. Entre ces deux extrêmes, il existe tout un spectre de suites plus ou moins valables, plus ou moins réussies. Si je vous parle de tout ça, c'est parce que cette mini-série, Target X, est la suite du récit des origines de Laura Kinney, a.k.a X-23, au titre éponyme. Et si clairement on se retrouve ici dans un cas de suite plutôt médiocre, il reste à essayer de comprendre en quoi et pourquoi...

X-23 s'est évadée du complexe qui la retenait, éliminant toutes les têtes pensantes de l'expérience de clonage de Wolverine, dont elle est l'unique réussite. Alors qu'elle essaie de revenir à une vie normale en allant vivre chez sa tante et sa cousine, elle est très vite rattrapée par Kimura, une arme humaine spécialement conçue pour la neutraliser en toutes circonstances...

Le gros problème de Target X, outre son mélange de tons assez mal géré, c'est de vouloir à la fois se reposer beaucoup trop sur le premier volet, mais en y rajoutant de nouveaux éléments qui non seulement ne s'avèrent pas franchement nécessaires en eux-mêmes, mais ne correspondent en plus pas tellement à ce qui a été construit dans X-23 à la base. Ajouter des éléments dans une continuité antérieure, sous forme de flashback ou tout autre procédé similaire, c'est une pratique très courante dans les univers comme Marvel ou DC, ce qui permet de créer un effet de révélation, mais aussi très aisément de raconter n'importe quelle histoire comme on veut. Usuellement, c'est ce qu'on appelle le "retcon", la continuité rétroactive, et lorsque c'est pratiqué avec parcimonie et pertinence, ça peut très bien enrichir un personnage, un univers. Hélas, très souvent, cet art est pratiqué à la truelle, par exemple pour inventer un protagoniste ou un antagoniste qui sort de nulle part et que le héros a toujours connu, et honnêtement, moi en tant que lecteur, quand on me fait ce coup-là, je me sens insulté. "Ha mais en fait tu sais pas tout en vrai c'est pas le méchant qui est mort qui tirait les ficelles, c'était un encore plus méchant et plus manipulateur". Vous saisissez le problème ? C'est une grosse facilité d'écriture, techniquement reproductible à l'infini. Et Target X nous fait ce coup en sortant Kimura de nulle part : "Hey mais en fait tu vois tout ce qu'on t'a raconté avant ? Ben Kimura elle était là à chaque fois, elle se tenait juste à côté du bord de la case pour que tu la voies pas". PUH. LEASE.

Surtout que c'est utilisé de manière à tomber dans un autre travers de médias qui mettent en scène des personnages féminins forts : le torture porn. Comprenez bien, je sais qu'il est très courant qu'on en envoie plein la figure à un héros masculin, de manière à montrer comme il est fort et courageux. Si l'intention est sans doute la même avec les personnages féminins, ça se teinte bien souvent d'une complaisance dans la torture physique et psychologique, afin de montrer l'héroïne comme une fille brisée, cassée, qui va devoir se reconstruire, là où le mâle ne sort que plus fort des épreuves. Il y a une véritable complaisance à montrer une femme malmenée, détruite, comme pour répondre à un public voyeuriste et sado-machiste. On retrouve ce travers par exemple dans le reboot de Tomb Raider en jeu vidéo, où Lara Croft devient soudain une pisseuse qui manque de se faire violer en gros plan et qui se fait généralement projeter sur toutes sortes de rochers et transpercer par divers objets phalliques (bon, j'exagère, mais très légèrement) dans les cinématiques, le tout en chialant, parce que les femmes, ça chiale. Là où la première mini-série sur X-23 montrait son conditionnement, sa déshumanisation, ce qui est finalement cohérent avec son statut d'enfant-soldat, d'expérience de laboratoire, Target X ne rajoute des flashbacks pratiquement que pour montrer X-23 se faire démolir, par une femme musculeuse et de haute stature... si bien qu'à un moment du récit Kimura brise la nuque de Laura en gros plan (oui vu sa capacité de régénération elle s'en est remise), moment suivi directement d'une image qui prend quasiment une planche entière ayant pour seule raison d'exister de montrer l'angle anormal de la nuque de X-23 et ses yeux révulsés. Aussi loin dans le torture porn, on passe quasiment dans une autre catégorie encore pire...

Le truc encore plus gênant, c'est que ces moments sont entrecoupés de scènes où on voit Laura qui fait les 400 coups avec sa cousine, Laura qui s'habille en un mélange gothic-punk, Laura qui regrette son passé, Laura qui pleure sur sa mère, Laura qui sauve sa cousine et sa tante... bref, Laura qui est une héroïne adolescente de série pour adolescente. Bah oui, ça jure forcément avec ce que je vous ai décrit plus haut, j'irai même jusqu'à dire qu'à ce compte-là on va encore plus loin dans la perversion... If you know what I mean.

Le dessin est putassier, sinon.

Wouhou, on s'amuse.