Le premier élément qui frappe, dès la couverture, c’est le sentiment (trompeur) d’être en terrain connu. Voir Wen Xin jeune, à gauche sur la couverture, fait penser à Yao Zhetian de Crystal Sky of Yesterday – tant physiquement que par la tenue –, tout comme le jeune Li Shaokun évoque Tu Xiaoyi à l’intérieur du tome. Mais cette ressemblance (physique) disparaît au bout de quelques pages : parce que le style graphique de l’auteur n’est pas le même, parce que le parcours des personnages est différent, tout comme leur questionnement – ce qui n’empêche pas certains points communs.


L’action se situe à Shanghai où Li Shaokun, psychologue en devenir, termine ses études tout en étant stagiaire dans le cabinet du professeur Wang Jing. Parallèlement à sa vie professionnelle en pleine élaboration, sa vie privée prend forme : en couple avec Fei Fei depuis cinq ans, il est temps de passer par la case « vivre ensemble ». C’est alors que survient « l’élément perturbateur » : Wen Xin. Elle devient la patiente de Li Shaokun. Or i) elle ne va pas fort (suite à un accident de la route – son petit ami était au volant– elle a perdu la vue) ; ii) elle échangeait des messages avec Li quand ils étaient au lycée (sans se voir). Voilà de quoi faire naître des souvenirs et des interrogations du côté de notre stagiaire. (Digression : le magasin de disques à proximité de là où ils écrivaient s’appelle Crystal Sky… un clin d’œil ?)


Première épreuve dans une vie de couple + triangle amoureux = déjà-vu ? Sans doute mais, pour autant, le traitement proposé ne nous plonge pas dans un nième cliché. Si la narration se focalise sur le personnage masculin, l’intrigue fait la part belle à la subtilité, la bienveillance et aux sentiments nobles. On pourra bien sûr regretter cela et trouver le manque de dérapages dommage, que tout cela reste trop « propre » et cadré, trop « naïf ». Certes, mais Pocket Chocolate aime les histoires sentimentales, qui se terminent bien. C’est sa patte. Pour peu qu’on l’accepte (et cela n’a rien d’un effort surhumain) c’est un bel univers qui s’offre alors à nous.


Chaque sommet du triangle se trouve traversé par des questions, et l’on peut sans mal passer d’un sommet à l’autre et se demander ce que nous ferions à leur place. Quel choix s’offre à nous ? Lequel est le meilleur ? A travers les pages se trouvent posées des questions renvoyant à la rupture entre jeunesse et passage à l’âge adulte, entre passé et futur, avec son lot d’incertitudes. A quoi ressemblera l’avenir si je suis avec elle/lui ou non ? Se poser la question n’est-ce pas déjà y répondre ? Suis-je fait pour le métier que je m’apprête à exercer ?


En lien avec la dernière question, la dimension psychologique du manga est réelle, comme dans toute œuvre du reste. Si elle traverse tous les personnages, elle se manifeste surtout à deux niveaux : i) celui de la patiente et du psychologue (Wen Xin et Li) où le second tente d’aider la première mais se voit aussi chamboulé par les séances ; ii) celui de Li et de Wang où le second est là pour surveiller, avec bienveillance, ce que fait Li, le guider pour lui éviter de se prendre les pieds dans le tapis. Le processus de transfert sera évoqué tout comme la figure maternelle (note de bas de page à chaque fois pour définir succinctement le concept). Au-delà, pas de termes techniques nécessitant des connaissances préalables mais la démonstration que la psychologie a tout son intérêt pour aider des patients. Les neuf chapitres se lisent ainsi de manière fluide, surtout que le nombre réduit de personnages permet de facilement mémoriser qui est qui.


That moment maybe arrive après Crystal Sky of Yesterday et cet élément se manifeste assez fortement du côté du dessin. Des différences s’observent, qui traduisent une évolution de Pocket Chocolate. D’abord les couleurs utilisées sont moins vives (sauf lorsque les circonstances l’exigent, avec une planche en particulier qui m’a fait penser à Benjamin et Chinese Girls), comme si un « filtre » avait été appliqué pour rendre les couleurs plus proches de nous. Idem du côté du dessin des personnages : ils sont un peu plus détaillés que dans CSY ce qui permet de lire encore mieux leurs sentiments. Cette alliance couleurs-dessin les rend un peu plus expressifs encore. Côté décor, le rendu est des plus agréables et ne font qu’embellir les personnages qui y prennent place.


L’édition proposée, avec du papier épais et de qualité rend hommage aux planches de Pocket Chocolate et il n’y a guère que pour une page du chapitre 8 que je me demande si la coupe ne nous prive pas d’un petit morceau du sommet du crâne de Wen Xin. Quelques rares coquilles sont présentes mais pas de quoi pénaliser la lecture et la compréhension de ce one-shot.


J’ai découvert Pocket Chocolate avec Crystal Sky of Yesterday et That moment maybe me laisse avec les mêmes impressions positives. Les questions et thématiques abordées ont une dimension large, quasi-universelle avec des propos qui ne sont pas alignés juste pour faire joli mais qui peuvent facilement résonner en nous. Visuellement j’ai aussi pris beaucoup de plaisir à parcourir les différents chapitres de ce one-shot qui se termine sur quelques croquis des personnages, une bien jolie surprise.


Par ailleurs, sachez qu'un projet a été lancé sur Ulule pour Une nuit calme et paisible, réunissant deux histoires courtes et un recueil d'illustrations de Pocket Chocolate. Les explications détaillées se trouvent ici.

Anvil
8
Écrit par

Créée

le 5 mai 2016

Critique lue 119 fois

Anvil

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