Hergé au pays de Tchang.

Je viens de lire Tintin au Tibet, et je ne sais pas exactement quoi en penser. Je viens de lire la critique qui siège en tête du Match, qui m'a ouvert les yeux ; l'album le plus spirituel, le plus riche en terme de mise en scène, véhiculant une émotion très calme dans le contexte religieux du Népal / Tibet, particulièrement documenté — Le Point Historia vous le confirmera.

Malgré un début un peu rapide (J'ai rêvé de Tchang ! Tchang est mort ! Non, Tchang n'est pas mort ! Bon, il l'est peut-être, mais je le crois vivant alors je vais risquer ma vie pour le sauver !), c'est ici la fin qui prend son temps, et qui ne conclut pas l'ouvrage sur un bête et gentil retour triomphant du héros dans sa patrie, en ayant capturé le méchant ; justement, il repart de l'étranger, en ayant sauvé son ami. La construction est en totale opposition avec les albums habituels ; je ne reprendrai pas Lepsychopathe qui en fait clairement l'analyse.

Les personnages ne sont pas dépouillés de leurs caractéristiques habituelles, mais sont plus humains. il n'y a pas de méchants, hormis le Yéti, qui s'avère fluctuer entre légende incroyable et animal pacifique, qui sera sûrement capturé par l'homme un jour. Les décors s'ancrent sur la réalité, les pays et les montagnes ne sont pas des allégories : Tintin va au Népal, au Tibet, sur l'Himalaya, il est réel pour une fois.

Parce qu'il est réel, il n'est plus Tintin. L'esprit Tintin manque dans cet album, il est certes sublimé, transporté, et bien plus beau, mais cela n'a jamais été Tintin. La série obéit à des codes tous simples, bien plus géopolitiques, historiques, où Tintin se bat contre un némésis ou une organisation de drogue / alcool / pétrole / crime rayez la mention inutile, et revient en héros parce que sa patrie, c'est la meilleure. Ici il voyage en terre inconnue et va dormir chez l'habitant, mais il y a quelque chose en trop dans l'album ; c'est sa pureté.

Et si Tintin n'est plus Tintin, c'est simplement parce que cette fois, il est Hergé lui-même ; Tchang, le vrai, est le meilleur ami de l'auteur, que de la même manière il a perd de vue — les archives et analyses vous confirmeront qu'en recherchant Tchang sur le papier, Georges Rémi recherche un but, une sorte d'espoir, de pureté, il se retire par procuration sur le papier et nous livre, avec simplicité, les " aventures " de Hergé.