Unlikely
5.9
Unlikely

Comics de Jeffrey Brown (2007)

Petite aparté : mon court échange avec Jeffrey Brown.


Pour ceux qui ne le savent pas encore, je suis auteur de BD. Enfin... je n'ai encore rien publié... parce qu'aucun éditeur n'a été convaincu de mes projets pour l'instant... mais je suis sûr que ça viendra... et si pas, c'est certainement que je fais partie de ces génies incompris et on me publiera 50 ans après ma mort... donc je suis auteur de BD... et à une époque, j'étais étudiant dans une haute école de Bruxelles. C'est à mon arrivée à la capitale que j'ai commencé à m'intéresser à autre chose que le Spirou Magazine (vieux motard que jamais) et Jeffrey Brown fut un des premiers (si pas LE premier) auteur américain underground que j'ai découvert. Puis y a eu Joe Matt, Chris Ware, Charles Burns, ... Mais Jeff fut le premier. Un jour, je me lançais dans un projet un peu différent de mes habitudes, des mini-récits d'une page, autobiographiques. Première fois que je me lançais dans ce genre. Ce ne fut qu'un bref essai (c'était un an avant de réaliser "Passer le temps" qui raconte ma découverte d'un enregistrement d'une opération de la cataracte) mais j'avais envie de le partager. Je les ai montrées à mes profs. Je les ai montrées à un éditeur d'une petite maison d'édition belge qui a accepté de me rencontrer grâce à un de mes profs qui nous a mis en contact. Et puis, en relisant pour la énième fois "An easy intimacy (AEIOU)", je suis tombé sur son adresse email. J'ai alors eu l'envie folle de lui écrire. De lui témoigner mon amour pour ses BD mais aussi de lui montrer ce que je venais de réaliser. J'ai pris mon courage à deux mains (quel homme!) et je lui ai écrit un email pour savoir si ça le dérangerait que je lui fasse parvenir quelques pages, il a accepté et a fait part de son étonnement de recevoir un courriel de Belgique. À cette époque, je n'avais pas encore investi dans un scanner donc j'ai écrit une longue lettre à l'ancienne, j'y ai posé des questions et j'y ai joint une copie de quelques pages. Hop ! Envoyé !


Une semaine plus tard, j'ai reçu une réponse par courrier : Jeffrey y donnait son avis sur mon art. Il s'est montré nettement moins sévère que lorsque je critique les œuvres des jeunes artistes de SC. Cela m'a fait un peu mal tout de même. Mais c'est ça la critique négative : ça blesse, ça fait mal parce que quelqu'un dit du mal de notre bébé. Mais il s'est montré très gentil et sa critique était construite et donc pertinente. De plus, il avait joint à sa lettre un extrait de ses changebots ainsi qu'un court extrait d'un nouveau bouquin qu'il allait seulement sortir à l'époque (il faudrait que je vérifie mais de tête je pense que c'est celui qui traite de sa maladie de Crohn). Nous avons échangé quelques réponses à nouveau via nos emails respectifs, puis je lui ai foutu la paix. C'était bizarre de faire ça et je dois dire que je n'ose plus trop l'embêter aujourd'hui alors que j'ai progressé depuis lors. Mais à l'époque j'étais un jeune fou ! J'avais aussi envoyé un mail à l'auteur des "Zappeurs", qui lui s'est montré beaucoup plus sec dans sa réponse (mais juste). Cela m'a fait du mal sur le moment, je pense que ça a dû se ressentir dans ma réponse (ha non, en fait, j'ai conservé le message je vois que j'ai su rester très gentil, par contre le nombre de fautes dans cette réponse, c'est super triste et pathétique à la fois !). Pour terminer son message, il m'a donné une anecdote amusante : un jour Franquin a reçu des planches ou dessins d'une jeune femme désireuse de devenir auteure de BD, il a trouvé ça très mauvais et le lui a fait comprendre... en fait il s'agissait de Bretecher !


Les critiques, ça fait toujours mal. J'en ai reçu pas mal depuis que je me suis lancé dans la BD : des profs, des auteurs, des camarades de classe (plus rares ceux-là, malheureusement), ma compagne (qui a le don de lancer des piques sans s'en apercevoir), des éditeurs. C'est toujours plus agréable quand c'est courtois mais j'ai remarqué au fil des ans que les messages courtois ne disent pas tout. Et puis le pire qu'on puisse recevoir, ce sont des messages condescendants ou bien des compliments s'attardant sur l'effort. Cela n'aide absolument en rien à évoluer ! Désormais je suis content d'avoir des critiques sèches et dures sur mon boulot, tant qu'elles sont construites et qu'elles permettent de re-travailler ses planches et s'améliorer. C'est tellement rare d'en avoir qu'il faut pouvoir les apprécier, elles sont utiles. Non pas qu'il faille dire 'oui, amen' à tout ce qui est dit, amis cela permet de relativiser, de réfléchir sur son propre travail ; parfois on est tellement enfermé dans on projet qu'on ne voit pas les erreurs, le témoignage d'un spectateur/lecteur permet de remarquer l'évidence invisible. Bon, allez, j'arrête de parler pour ne rien dire... à la base je voulais juste partager ma 'rencontre épistolaire' avec Jeffrey Brown !


Haaa, la critique, enfin !


Je suis déçu de cette relecture. Alors que celle du premier tome de cette trilogie m'avait au contraire plus enchanté qu'à la première lecture.


Il ne se passe pas grand chose. Il ne se passait pas grand chose non plus dans "Clumsy" mais la structure poétique permettait de passer outre ce défaut narratif. Alors qu'ici on est dans quelque chose de bien plus structuré : tout se déroule dans l'ordre. Cela reste fascinant car on découvre une histoire d'amour du début à la fin, mais il reste trop de temps morts. Et puis surtout je n'ai pas eu l'impression que le récit était complet, par rapport à la démarche digne d'un journal intime. Je n'ai pas non plus retrouvé le point de vue original du premier tome, c'est-à-dire le fait que l'on s'attarde sur des toutes petites choses : ici, les récits sont plus convenus, il ne reste pas beaucoup de surprise. La BD gagne en qualité dans sa deuxième moitié, lorsque Jeff amorce les problèmes, accumulent quelques conflits : ce n'est jamais assez approfondi, mais ça devient assurément plus intéressant.


Graphiquement, l'auteur a amélioré son style, ou plutôt il l'a rendu moins 'enfantin' (puisqu'il savait mieux dessiner que ça dès le début) : preuve qu'on entre dans quelque chose de plus conventionnel. Mais ça reste libéré de certaines contraintes, c'est parfois bien moche, mais cohérent avec le style. Et puis de ces 'laideurs' il en ressort une certaine beauté, quand, par exemple, les personnages s’enlacent ou font l'amour. De plus, les vignettes sont toujours lisibles, même quand il accumule les traits pour jouer avec la lumière. Simple et efficace.


Bref, j'ai apprécié la lecture de cet album, mais ce n'est pas aussi prenant que ce que j'aurais souhaité. Dommage.

Fatpooper
7
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le 10 mai 2017

Critique lue 237 fois

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Fatpooper

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