Vengeance promet d’explorer les tréfonds et la noirceur de l’âme humaine. Après Monstrueux, la tension est difficile à supporter, autant pour les personnages que pour le lecteur. Le tyran désaxé qui les tient prisonniers a des projets : et c’est avant tout Michonne qui s’y colle.

Sur une belle double page, Michonne est debout dans l’arène, sabre en main, à droite, son adversaire à gauche. Derrière chacun, les voraces tirent sur leurs chaînes. Tous deux sont maintenus à distance par seize cases centrales : le Gouverneur en discussion avant le combat, et des portraits zombies – désormais un classique de la narration de Walking Dead –, ainsi que les occupants de l’infirmerie, comme une action immobile qui émane en arrière-plan. Les visages de ceux-là sont occupés, sans en être pleinement conscients, aux enjeux qui vont se jouer dans les prochaines pages : l’évasion qui se prépare.
Michonne reste en arrière, « une affaire à régler ». Les pages sont magnifiques, horribles de réalisme : multiples arrachages d’ongles, énucléation ; le dessin est si précis que je tourne les yeux. Avec un dialogue restreint, le dessin raconte tout ce qui transpire de haine, de fureur et de bestialité. Michonne s’affirme comme le personnage fort de la série, une héroïne au caractère inflexible, probablement forgé par son périple initial. Prête à tout endurer pour survivre, prête à chaque instant à déverser sa haine et sa rage de justice, elle a toutes les qualités nécessaires pour affronter ce nouvel environnement, et en sortir, sinon victorieuse, vivante.

Le rythme effréné et la tension omniprésente ne lâchent pas encore le lecteur. Les souffles sont toujours nerveux à l’approche de la prison, et les grilles ouvertes ne leur laissent aucun répit dans l’immédiat. L’espace est envahi de rodeurs. L’angoisse flotte dans une double page aux allures nostalgiques : deux fois quatre cases, cartes postales de touristes amorphes et putréfiés en vacances dans l’architecture désuète de la prison. Ils posent de leur morne lenteur derrière les grilles, leur funèbre éternité immortalisée au pied d’un mur aéré des barreaux aux fenêtres des cellules, errant au pied du mirador. L’affrontement qui suit ressemble à qu’on a déjà vu. C’est l’occasion encore une fois d’apprécier le trait et l’intensité du dessin.
Le scénario, formaté avec efficacité, laisse une brève respiration dans les dernières pages, avant que le départ discret de l’espion Martinez ne laisse planer sur la sécurité de leur communauté une menace qui irrémédiablement se matérialise.
Dorénavant, chaque jour qui passe les en rapproche.

L'épisode clôt le premier affrontement du groupe au Gouverneur avec un répit relatif, pour autant appréciable. L’histoire se profile sans dévoiler le détail des conséquences inévitables de la survie qui vont la parsemer : le danger, constant, imprévisible, peut surgir de partout. Ce qu’il faut faire pour s’en sortir ne laissera personne indemne, et désormais tout espoir de retour vers une confortable normalité est vain. Tous doivent s’efforcer d’affronter la réalité autant que de contenir leurs errances.

Matthieu Marsan-Bacheré
Matthieu_Marsan-Bach
9

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le 3 mars 2015

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