Cette critique contient des méchants, méchants spoilers. Partout. Si vous n'avez pas vu le film, ne lisez pas cette critique. Fuyez.


Soyons clair dès le début, j'ai adoré Spectre et même si je vais parler de ses défauts par la suite, mon opinion ne changera pas à la moitié de la critique: ce Bond là part dans mon top 5 de mes 007 favoris.


Pourquoi? Parce que c'est la première fois en 13 ans que tous les codes du James Bond version cinéma étaient réunis. Je sais, il y a 13 ans, c'était Meurs un Autre Jour et ce n'était pas très glorieux: absence de scénario, effets spéciaux très douteux et j'en passe. Mais je m'égare.


Ce qui m'a plu ici, c'est que Craig s'amuse à fond. Et il a un tel naturel pour délivrer les petites phrases humoristiques si associées à Roger Moore que s'en est jouissif dès le début. Parlons-en du début, d'ailleurs: les décors, n'étant pas sans rappeler ceux de Permis de Tuer, sont somptueux et le fait qu'une grande partie du pré-générique fut filmé en plan séquence (enfin, pas tout à fait mais le résultat est similaire) ajoute un plus à cette scène. Bond is back. Le Gunbarrel (très inspiré de Binder, je n'ai rien à dire dessus), le petit texte faisant le lien avec l'intrigue, puis ça, c'est magique.
S'en suit une course-poursuite qui se conclut par un corps-à-corps dans un hélicoptère en plein vol et paf! Générique.


Je me rappelle de la réaction des fans lorsqu'ils ont découvert "Writing's on the wall", le titre de Spectre chanté par Sam Smith. Une heure après sa diffusion, il était déjà classé comme étant le "pire thème de Bond". Mouais... Ces personnes ne doivent plus trop se souvenir de Sheena Easton pour Rien que Pour Vos Yeux, un titre mièvre et strident qui tranche avec la bande son catchy du film ou de Rita Coolidge et de sa balade country, "All Time High", qui est loin de coller à Octopussy.
Et bien, pour être honnête, le résultat est bluffant. Le générique est visuellement beau, même s'il y a des poulpes, et il dessert la chanson à la perfection. C'est magnifique, c'est intelligent, c'est Bondien à crever.


Autre bonne surprise: Léa Seydoux. Là encore, peu de temps après la conférence de presse, tout le monde crachait sa bile sur le net, pointant du doigt l'actrice. Et dans une certaine mesure, j'en ai fait partie. Et j'ai changé d'avis. Léa Seydoux est parfaite dans le film, le personnage de Madeleine Swann est très bien écrit et son jeu fait mouche. Niveau actrice française, on n'égale tout de même pas Eva Green dans Casino Royale, mais on dépasse de loin Bérénice Marlohe et son rôle fantomatique dans Skyfall ou Carole Bouquet et son jeu neurasthénique dans Rien que Pour Vos Yeux. Pour ce qui est de Monica, disons que la pub massive autour de son personnage n'était pas judicieuse puisque son personnage ne reste que cinq bonnes minutes à l'écran. Mais, faites-moi confiance, ce sont cinq minutes mémorables. Dave Bautista est parfait, rappelant facilement Requin ou Oddjob même si c'est dommage que sont petit "gadget", des lames acérées fixées sur ses pouces, ne soient pas plus mis en avant. Mention spéciale pour la bataille dans le train, brutale, froide, et très réaliste.


Passons à Christoph Waltz. Que dire sur lui? Étions-nous si surpris que ça quand son masque est tombé, et que d'un Oberhauser inoffensif nous sommes passé à un Blofeld génie du crime? Non. Même s'il a passé les derniers mois à démentir le fait qu'il jouait Blofeld, c'était impossible de faire autrement: cet acteur est né pour jouer ce rôle. Par contre, la bonne surprise vient de la cicatrice, élément n'ayant été montré qu'une fois dans On ne Vit que Deux Fois, à une époque où Blofeld était joué par Donald Pleasence. Cependant, il est vrai que le personnage est un peu sous-exploité, deux ou trois scènes de plus avec lui n'auraient pas été du luxe.


Le reste du casting est brillant, mention spéciale pour Ben Whishaw qui parvient à éviter l'erreur que John Cleese avait commise: ne pas jouer sur le même ton que Desmond Llewelyn. Le nouveau Q adore les chats, est fier de ses blagues vaseuses et boit des cocktails diététiques immondes. Ralph Fiennes (M), Naomi Harris (Moneypenny) et Rory Kinnear (Tanner) sont toujours aussi bons. Le fait de les faire jouer plus souvent ensemble et de les impliquer à 100% dans l'intrigue est un plus, et change de l'ancien schéma où Moneypenny était juste là pour flirter 30 secondes avec Bond.
Par contre, le si attendu Andrew Scott (C) ne brille pas vraiment. Là aussi, il manque des scènes parce que le personnage reste trop flou: jeune idéaliste imbu de sa personne, où véritable Numéro 2 du Spectre? On ne saura jamais, une chute fatale a coupé le fil de ses pensées.


Ce qui nous fait rebondir sur le Spectre en lui-même. Là-encore, j'ai lu pas mal de critiques, notamment sur le fait que Silva faisait parti du Spectre, tout comme Greene et Le Chiffre. Est-ce si gênant? Pas forcément, tout comme dit Bond "tout n'est qu'une question de point de vue". Quantum était le Spectre du pauvre, une tentative maladroite de remettre sur le devant de la scène Bondienne une organisation toute puissante à l'époque où la production n'avait toujours pas les droits d'utiliser les mots "Spectre" ou "Blofeld". Il était donc nécessaire de corriger ce petit écart et de revenir aux fondamentaux.


Dans le film, on trouve aussi des poursuites, une en voiture, une en avion. Si celle en avion est bluffante, celle en voiture déroute (sans mauvais jeu de mots). En réalité, nous sommes loin d'une course-poursuite nerveuse à la Jason Bourne, mais nous sommes plus dans une danse macabre (pour reprendre l'expression d'un camarade) et ça marche. C'est esthétiquement magnifique et les gags sur les gadgets de la DB10 sont drôles. On pourrait juste blâmer le gag de la Fiat 500, qui tire un peu en longueur.


Je ne me sens pas de commenter chaque scène, tant elles sont nombreuses (logique), et parce qu'elles contiennent toutes leur lot de bonnes et moins bonnes choses. Je mentionnerai juste la scène de torture, qui m'a bien mis mal à l'aise ou la scène du briefing, qui a une image à tomber par terre. Je vais plutôt m’appesantir sur l'un des défauts majeur du film: la couleur. C'est pas génial, et j'avais eu le même soucis devant Quantum of Solace: les couleurs ne ressortent pas assez, le tout étant mixé dans une palette de couleurs trop terne. Pour Quantum of Solace, vu les décors très sobres, ça peut encore passer; mais pour Spectre, c'est criminel. Si vous ne me croyez pas, allez voir les making-of du "Dia de los Muertos", et vous verrez que les couleurs sont vives et chatoyantes, bien loin des teintes jaunâtres dans le produit fini. Pire qu'un simple désagrément visuel, ce choix hasardeux donne parfois un côté irréel à certaines scènes: ainsi, beaucoup ont cru que la cascade en hélicoptère était fausse, ou que l'explosion du complexe était bourrée de CGI, alors qu'il n'en n'est rien. (Explosion qui est d'ailleurs rentrée dans le Guinenss Book).


Un autre défaut? Les raccourcis de script. Pas toujours gênants, mais pour le complexe, c'est plus discutable. L'explosion n'est pas expliquée dans le film, et elle arrive un peu comme un cheveu sur la soupe. On découvre alors que dans les premières versions du script, Bond devait s'enfuir avec Q (et non Madeleine), et tirer sur les circuits de refroidissement provoquant ainsi une réaction en chaîne. Dommage que cette scène ait été supprimée de la version finale. Ceci dit, ces raccourcis et ces facilités de script ne sont pas aussi importants que ceux de Skyfall, avec le disque super-important-parce-qu'il-a-des-noms-d'agents-dedans qui perd tout son intérêt à la moitié du film.


Là aussi, j'aimerai revenir sur ça (vous comprenez alors que, l'heure aidant, j'écris cette critique au fil de mes pensées): la comparaison avec Skyfall. Spectre est dans l'ombre de Skyfall, le Bond avec la chanson d'Adèle, celui qui a fait plus d'un milliard au box-office, celui qui célèbre les 50 ans de la saga. Oui, mais non. Les deux sont trop différents, ce qui fait que les comparer n'est pas des plus pertinent. D'ailleurs, comparer les films de l'ère Craig entre eux n'est pas très pertinent, tant l'approche dans chacun des films est différente. Skyfall est un Bond hommage, faisant beaucoup de références plus ou moins subtiles à la franchise (la DB5 gadgétisée, les parents de Bond, la radio similaire à celle de Goldfinger, le PPK à empreinte palmaire similaire au fusil de Permis de Tuer...), mais ne reprenant pas les codes du Bond version cinoche. Pas beaucoup de pays exotiques (à part Macao et son superbe Casino), pas de vraie Bond girl, pas d'affrontement avec le méchant... Skyfall est un bijou à part entière. Spectre, lui, est un Bond plus classique. Et je suis persuadé que c'est ça qui dérange.


Parmi mes amis, beaucoup ont juste apprécié Spectre, mais sans plus. Ce qui semble logique, quand on sait que les seuls Bond qu'ils n'aient jamais vu sont ceux de Craig (et peut-être un Brosnan et un Moore, mais ça date.). Leur perception du personnage est donc différente de la mienne, et par conséquent, leurs attentes étaient différentes. Pour être honnête, même si j'aime Skyfall, ce n'est pas celui que je choisi pour me détendre pendant un Dimanche après-midi pluvieux. La deuxième partie, plus lente, a tendance à me faire somnoler. Quantum of Solace... Non plus. Là, c'est l'opposé, je n'ai pas envie de me chopper une conjonctivite à force de vouloir comprendre tout ce qui se passe à l'écran, et je n'ai pas non plus envie d'avoir une superbe migraine à force de vouloir comprendre l'intrigue. A la limite, Casino Royale fait l'affaire, mais le ton très sérieux ne laisse pas forcément de place à la détente. Secrètement, au fond de moi, je voulais revoir un Bond avec des punchlines dignes de Moore, des cascades improbables, des hommes de mains marquants et des décors qui laissent rêveurs. Et là, avec Spectre, j'ai été comblé.

Rémi_Germain
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le 4 déc. 2015

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Rémi Germain

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