Alex vient passer quelques jours dans la belle demeure en bord de mer de son meilleur ami Victor.Mais ce dernier doit s'absenter pour affaires et le laisse en compagnie de sa mère sourde et de sa splendide épouse Petra.Celle-ci s'ennuie ferme dans cette maison isolée entre un mari souvent absent et une belle-mère envahissante dont elle doit s'occuper.Chaude comme la braise,elle se jette littéralement sur Alex,qui ne résiste pas très longtemps à son charme vénéneux.Mais la dame a des arrière-pensées et manipule le gars qui ne va pas tarder à se retrouver dans des situations de plus en plus inextricables.Jean-Pierre Mocky,ici producteur,réalisateur,scénariste et monteur,signe avec ce film une pépite méconnue.Peut-être est-ce dû au fait qu'il a bénéficié d'un peu plus de moyens qu'à l'accoutumée avec une coproduction de Canal+,mais il y a aussi la qualité du livre adapté,signé Gil Brewer,très bon auteur américain de polars.Mocky a souvent adapté des romans noirs d'Outre-Atlantique,et le genre policier lui a parfois réussi.Il retrouve ici l'efficacité qu'il a pu montrer dans des oeuvres telles que "Noir comme le souvenir","L'albatros" ou "A mort l'arbitre".Bien que tourné en seulement onze jours,"13 French Street" est exempt du bâclage qui est habituel au cinéaste.Il a conservé quelques-uns de ses collaborateurs attitrés tels que le chef-opérateur Jean-Paul Sergent,dont la photo automnale met admirablement en valeur les beaux paysages de la côte bretonne et la vieille bâtisse où se situe l'action,et Vladimir Cosma,dont la musique mélancolique colle parfaitement à l'ambiance rétro du film.Ont également participé à l'entreprise les assistants caméra Michel Gallois et Michel Cosma,ce dernier secondant aussi au montage,la maquilleuse Audrey Ursule,le machiniste Eric Lesage et le mixeur Charles Van der Elst,tous complices brevetés de JPM.Quant à Mocky,il livre un travail soigné,installant une atmosphère noire et délétère,prenant la peine de préparer ses plans et de laisser l'intrigue se développer lentement,à l'inverse de ses bricolages précipités traditionnels.L'intrigue est certes tout-à-fait classique et rappelle les grandes oeuvres du genre comme "Le facteur sonne toujours deux fois" ou "Un si doux visage",avec la femme fatale manipulatrice,le pauvre type qui tombe dans ses filets et le brave mari cocu qui ne voit rien venir.Cependant,le scénario propose des éléments originaux via des personnages secondaires bien dessinés et des rebondissements inattendus.Il est à noter que Mocky adopte un visuel qui semble situer l'histoire dans les années 50,la grande période du film noir US,et utilise des vêtements et des voitures anciens tout en ignorant les attributs de la modernité comme les téléphones portables ou les écrans plasma.Autre particularité,la représentation frontale du sexe,avec une héroïne irradiant de sensualité et des scènes de baise très hot entre Petra et Alex,qui rapprochent plus le film de la version de Bob Rafelson du "Facteur sonne toujours deux fois" que de celles qui ont précédé.Le réalisateur parvient donc,en se concentrant sur peu de protagonistes et un lieu,cette imposante maison,quasiment unique,à maîtriser sa narration et à maintenir l'intérêt et le suspense.Il faut dire qu'il intercale habilement des échappées ponctuelles dans d'autres endroits,ce qui aère opportunément le récit et relance les pistes narratives.On peut cependant lui reprocher un certain délayage,car le film finit par traîner en longueur et s'adonne parfois au remplissage excessif.Pour que ce dispositif fonctionne,il fallait naturellement une distribution à la hauteur,d'autant que les personnages sont tous ambigus et dissimulent tous des choses.L'anglaise Nancy Tate est une révélation et son sex-appeal emporte tout sur son passage.Son visage d'ange,son corps de rêve,sa voix cassée et son délicieux accent british font monter la tension et l'imposent comme une des plus belles garces perverses qu'on aie vues au cinéma.Elle n'hésite en outre pas à payer largement de sa personne et aucune de ses apparitions n'est dénuée de provocation érotique car quand elle n'est pas nue elle arbore des tenues si suggestives que c'est peut-être pire,ou plutôt mieux.Ses décolletés sont si profonds et ses petites robes si courtes et si moulantes que le pauvre Alex,et le spectateur mâle,ne peut y rester insensible d'autant qu'elle ignore délibérément l'usage des sous-vêtements.Hélas,on ne la reverra plus ensuite.Son amant est incarné par un Thierry Frémont très investi qui signe une grande performance.Il restitue à merveille les tourments de cet homme déchiré entre passion et devoir.C'est un brave type,mais il va quand même,possédé par le démon du sexe, trahir son ami et sa femme et se rendre complice de meurtre.Tiraillé entre mauvaise conscience et impuissance,il laisse quelquefois exploser des éclairs de violence surprenants que l'intensité du comédien rend très réels et inquiétants.L'époux trompé est interprété par un Tom Novembre imperturbable et classieux,dont le jeu subtil laisse planer des interrogations sur un Victor dont on ne sait pas très bien s'il est dupe ou non de la trahison de son ami et de sa femme ou de la nature accidentelle du décès de sa mère.Bruno Solo est impressionnant en maître-chanteur visqueux et Léa Seydoux,qui fait là une de ses premières apparitions au cinéma,est très à l'aise en petite bonne futée.Dominique Zardi et Noël Simsolo,vieux grognards de la tribu Mocky,sont également présents,le premier en fossoyeur dans un de ses ultimes rôles alors qu'il mourra en 2009,le second en enquêteur de police.Pour terminer,n'oublions pas l'inconnue Catherine Lys,qui n'a tourné essentiellement que chez Mocky,stupéfiante en vieille femme malveillante à tête de guenon,dont on se demande si elle est réellement sourde ou si elle simule.

pierrick_D_
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le 25 mars 2020

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