A l’occasion de ce second visionnage de 2001, j’espérais abjurer mon hérésie consistant à trouver ce film excessivement surcoté. Si le premier tiers environ a pu nuancer légèrement mon peu de goût pour le « chef-d’œuvre-fondateur-du-space-opera-au-cinéma-où-même-que-Stanley-a-l’intelligence-de-mettre-du-silence-dans-l’espace-et-d'éviter-cette-aberration-physique-que-d'autres-ne-se-priveront-pas-de-commettre-après-lui », je dois hélas, dans l’ensemble, confirmer que je le trouve assez faible et prétentieux.

2001, c’est comme une grande volute de fumée qui monte, qui monte, qui ne s’arrête jamais… et après tout, le film sent véritablement à plein nez – narines grand ouvertes et yeux exorbités – les années 60, les délires psychédéliques et la fascination pour les drogues hallucinogènes…
Mais en fait, il n’y a pas grand-chose.

Attention, si la thèse du « gros bœuf ne comprenant rien aux classiques que tout bon cinéphile doit adorer et révérer benoîtement parce qu’ainsi est LA VERITE » peut tenir assez souvent dans mon cas, ici, je lui oppose la thèse de la « grosse beuh » fumée avec abondance par le bizarre Stanley.
Je ne crois pas être suprêmement hermétique au propos développé par Kubrick. En effet j’ai véritablement adoré la lecture du livre d’Arthur C.Clarke, écrit en même temps qu’était réalisé le film. Le sujet me passionne, les idées, l’intelligence et la poésie du roman de Clarke m’avaient impressionné. Alors, évidemment, Clarke étant co-scénariste du film, l’histoire est peu ou prou la même, et idem des réflexions ; mais elles ne dégagent pas dans la version pelliculaire la même puissance que dans le roman…
Techniquement, on ne peut pas reprocher grand-chose à Kubrick : les effets spéciaux n’ont pas beaucoup vieilli, je trouve. Notamment, les astronefs sont remarquables, et la façon dont ils ont été pensés illustre un aspect très positif du film : le fait que Kubrick ait consulté de nombreux scientifiques pour veiller à optimiser le réalisme de son œuvre. Cela se retrouve dans d’autres nombreux détails. En outre, le choix des musiques (à part pour la cacophonie psychédélique que j’abhorre) est évidemment parfait, mais on serait fâché qu’il n’en soit pas ainsi avec Kubrick. Bref, techniquement rien à redire. Visuellement, on a quelques plans magnifiques (malheureusement, la qualité de mon image n’était pas terrible… mon éventuel troisième visionnage devra impérativement se faire en haute définition !).
Par contre, dans le scénario, que c’est ennuyeux, pour ne pas dire autre chose qui risquerait de choquer de jeunes oreilles candides ! Pure contemplation, nous dit-on ! Pourquoi pas, mais vraiment, l’effet soporifique de 2001 est quand même étonnant. Les médecins devraient se pencher dessus. Les trois derniers quarts d’heure faisant figure d’apothéose de l’hypnose…
La moins ennuyeuse des quatre phases est celle avec Heywood Floyd, pour tomber en pâmoison devant AMT-1. L’aube de l’humanité, oui, bon, d’accord, OK, si vous voulez, primitifs, monolithe, du coup moins primitifs, meurtre, nickel. Mais ça ne m’intéresse pas plus que ça et c’est inutilement long. Le voyage vers Jupiter, oui bon OK, lutte entre homme et machine blabla, rapport créature/créateur blabla, sentiments/raison blabla, super, ça aurait pu durer 15 min on ne s’en serait pas plus mal porté. L’arrivée dans l’orbite de Jupiter je n’en parle même pas, c’est inepte et désagréable. La fin est tellement largement plus impressionnante dans le livre !

En définitive, on lutte contre le sommeil pendant tout 2001, du début (avec ces longues minutes dans le noir) à la fin (avec ces loooooooooooooongues minutes dans une sorte d’hyperespace kaléidoscopique bizarroïde tout droit sorti de la fin des années 60). Pour les quelques réflexions très intéressantes, je conseille donc de se tourner davantage vers le livre de Clarke, autrement meilleur.

Dernière chose, on connaît en général l’anecdote selon laquelle le roi éternel de la science-fiction, Isaac Asimov, se serait insurgé envers Clarke après avoir vu 2001 en constatant que le superordinateur HAL 9000 avait été capable de tuer des êtres humains, violant ainsi la Première Loi de la Robotique édictée par ce génie d’Asimov. L’anecdote fait sourire ; je ne pense pas pour ma part que les auteurs de SF soient tenus de respecter les règles écrites dans les univers fictionnels de leurs prédécesseurs. Clarke (et Kubrick, par voie de conséquence) retombait ainsi dans ce « complexe de Frankenstein » qui stipule la possibilité de la rébellion de la créature contre le créateur, complexe qui a longtemps pénétré la littérature du genre, et qu’Asimov a pourfendu avec hargne et génie avec ses Robots. Or, il est vrai qu’il est intellectuellement assez frustrant de constater le peu de « psychologie » dévolu à HAL 9000… en vérité, ce superordinateur ne semble pas super-intelligent, ce n’est qu’une machine à calculer, qui, on se demande pourquoi, a des formes d’émotion. Pour moi, ce n’est pas aussi logique que la thèse portée par Asimov. Mais passons. Ceci n’était qu’une dernière remarque assez à part de la critique du film de Kubrick.
Volpardeo
4
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films de Stanley Kubrick et Anti Top Films

Créée

le 5 oct. 2013

Critique lue 1.1K fois

6 j'aime

Volpardeo

Écrit par

Critique lue 1.1K fois

6

D'autres avis sur 2001 : L'Odyssée de l'espace

2001 : L'Odyssée de l'espace
Hypérion
10

Je crois en L'Odyssée de l'espace...

2001 L'Odyssée de l'espace, c'est un acte de foi, tout simplement. Kubrick a lui même donné la plus parfaite définition de son film : J'ai essayé de créer une expérience visuelle, qui contourne...

le 28 sept. 2011

271 j'aime

45

2001 : L'Odyssée de l'espace
HarmonySly
10

Critique de 2001 : L'Odyssée de l'espace par HarmonySly

Impossible d'appliquer un système de notation "standard" à 2001. Entre le 1 et le 10, 8 critères de notation en trop : ce film, on l'aime ou on le déteste, mais comme à l'accoutumée dans la...

le 4 mai 2010

177 j'aime

53

2001 : L'Odyssée de l'espace
Akami
5

Critique de 2001 : L'Odyssée de l'espace par Akami

Après avoir vu ce film, j'ai couru tout nu dans mon appartement (sans crier parce que ma copine dormait à côté). Au moins, ça ne m'aura pas laissé indifférent.

le 17 oct. 2010

174 j'aime

13

Du même critique

Candide ou l'Optimisme
Volpardeo
5

Critique de Candide ou l'Optimisme par Volpardeo

Je restais sur une bonne impression de "Candide" avant ma relecture récente. Autant dire que j'ai été vraiment déçu. Je dois être vraiment inconsciemment réfractaire à Voltaire pour ne pas arriver à...

le 12 juin 2011

21 j'aime

Alcools
Volpardeo
3

Moderne... pour le meilleur et (surtout ?) pour le pire...

Epris de poésie depuis de nombreuses années, je souhaitais parfaire ma culture en m'intéressant vraiment à Apollinaire, poète emblématique du début de la modernité artistique (du symbolisme tardif...

le 6 déc. 2011

20 j'aime