Quand Greta danse, l'écran s'illumine et la vie semble plus belle

Le casting est alléchant, le sujet intéressant et cela se passe à la fin des années 70. Ce cocktail devrait me ravir, en satisfaisant mes yeux avec des actrices talentueuses et mes oreilles grâce à la musique d'un autre siècle. Mais ce ne sera pas le cas, le film perdant de sa saveur au fil d'un scénario trop mince et c'est bien dommage.


Dorothea (Annette Bening) est une femme indépendante. Elle a un parcours professionnel exceptionnel pour une femme à cette époque. Elle a mis au monde un enfant à 40 ans et l'élève toute seule. Cela fait beaucoup pour une seule personne dans une société prônant les bienfaits de la famille, McDonald's et les Walt Disney. Sa forte personnalité en fait une femme à part, ne s'ennuyant pas avec les conventions sociales. Elle abrite dans sa demeure, une jeune femme avec un caractère bien trempé Abbie (Greta Gerwig) et William (Billy Crudup) qui l'aide à restaurer la vétusté des lieux. Au milieu de ce chantier, son fils Jamie (Lucas Jade Zumann) partage son cœur entre sa mère et Julie (Elle Fanning). En grandissant, il s'éloigne de la première et se rapproche de la seconde qui se refuse à lui. Ses relations sont platoniques et Dorothea sentant celui-ci lui échapper, va demander à Abbie et Julie de l'aider à élever cet adolescent entrain de se construire.


C'est beau l'amour d'une mère pour son fils. Le cinéma me permet (parfois) de m'immerger dans un univers où je n'ai pas eu le plaisir de me balader, que cela soit sur Mars, au 17ème siècle, dans une morgue ou dans le regard d'une mère bienveillante. J'adore ce genre de films parlant des rapports fils/mère, ou fils/père, ou les deux, à travers le regard de l'enfant. Le début va dans cette direction, de cette mère si proche et pourtant si mystérieuse pour son fils. Un sentiment partagé par cette mère, craignant d'en faire un homme comme un autre et de le perdre. Ils s'observent comme si chacun espère avoir la capacité de lire dans les pensées de l'autre. La vie serait plus simple, ou bien ce serait le contraire, qu'en savons-nous?


Dans cette demeure ou la parole est libre, il règne une certaine anarchie conviviale. Dorothea n'hésite pas à inviter à dîner les pompiers qui ont éteint l'incendie de sa voiture. Abbie photographie tout ce qu'elle voit et se déhanche sur de la musique punk, sans penser au qu'en dira-t-on. Julie passe ses nuits dans le lit de Jamie, avant d'en sortir au petit matin et de sonner à la porte, comme si de rien n'était. Ce sont trois femmes, trois générations différentes et trois esprits libres. Seulement la structure du film est molle ou moelleuse, c'est selon son ressenti. Le féminisme qu'elles veulent lui inculquer, ne prend pas vraiment forme, sauf au détour d'une discussion ou le mot tabou "menstruations" sera énoncé plusieurs fois. Cette petite provocation sympathique aurait surement trouvé un écho plus virulent dans un autre siècle, alors que de nos jours c'est devenu banal. La nostalgie a ses limites, surtout si le film s’essouffle et tente de nous rattraper en faisant le portrait de chacun des protagonistes, toutes les vingt minutes. Un procédé intéressant, mais ne permettant pas de mieux les connaitre, sauf Dorothea qui reste la pierre angulaire de cet édifice fragile.


Le temps qui passe, les liens du sang et du cœur, les regrets, le choc des générations et l'amour sont des thèmes récurrents dont le film ne parvient pas à les rendre vraiment intéressants. On en retient les danses de Greta Gerwig, donnant de l'amplitude à une oeuvre en manquant singulièrement. La curiosité du début se perd dans les scènes convenues et répétitives. Annette Bening ne me séduit pas vraiment par son jeu d'actrice. Elle passe plus de temps à fumer une cigarette après l'autre pour démontrer sa modernité, au lieu de nous embarquer dans son histoire qui est surtout celle de son fils. Un fils qui se fait discret, se contentant de regarder ces femmes s'agitant autour de lui, servant de figure paternelle, vu que Billy Crudup est juste un objet satisfaisant les besoins de certaines d'entre elles, de par son travail manuel. C'est un faire-valoir, ce dont le fils ne doit pas devenir grâce à son entourage féminin devant faire de lui, un homme ouvert et non un machiste à la vision du monde limitée.


C'est une déception. Le film se contente de se regarder le nombril et oublie de nous raconter un moment de vie lumineux. Sa simplicité est agréable, avant de lasser en ne sachant plus vraiment quoi faire de ses personnages, dommage.

easy2fly
4
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le 21 mars 2017

Critique lue 969 fois

7 j'aime

Laurent Doe

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