Et donc il y avait le père, au commencement, et c’est la mère désormais qui a droit aux honneurs. Mike Mills, six ans après Beginners, creuse le sillon d’une espèce d’autobiographie fantasmée, cette fois autour de la figure d’une mère modèle et des souvenirs, épars, de sa propre mère. Jamie a quinze ans, on est en 1979 à Santa Barbara, le temps passe, le monde change et Jamie change. Jamie va devenir un homme. Dorothea s’en rend compte, elle qui a la cinquantaine et élève seule Jamie, son fils, et pour que celui-ci s’ouvre à de nouveaux horizons, à de nouveaux concepts, à de nouvelles perspectives, et parce qu’elle sent Jamie grandir, s’affranchir et s’en aller d’elle, Dorothea fait appel à Julie, jeune adolescente butée, et Abbie, artiste punk paumée, féministe revendiquée mais pas belliqueuse, pour le préparer aux désordres du monde.


La filiation avec Beginners est assez claire, 20th century women cultivant, sans chercher à s’en défaire, la même approche esthétique (collages, digressions et énumérations à la Amélie Poulain, bande son hétéroclite et géniale, variations poétiques qui flottent dans l’air…) et les mêmes thèmes principaux (famille, émancipation, fantaisie du quotidien…). Et si la redite douche un peu l’enthousiasme et la surprise, 20th century women offre tout de même un superbe portrait de femmes faisant face, chacune à des âges différents, aux évolutions de leur existence (à l’image de la grande maison en travaux de Dorothea, en train de se reconstruire) : Dorothea à l’éloignement et aux critiques de son fils, Abbie à la maladie et à l’incertitude, Julie enfin à la violence des sentiments amoureux.


Comme il avait su le faire avec Christopher Plummer dans Beginners, Mills magnifie la magnifique Annette Bening, éblouissante dans le rôle de cette maman gâteau dépassée par les soudains tumultes de son fils (qui découvre le rock, le punk et les secrets de l’orgasme féminin) et les changements d’une société qui, à l’aube des années 80, s’apprête à saborder son héritage peace and love et libertaire (déjà bien entamé par la guerre du Viêt Nam) pour se vautrer dans le capitalisme, l’individualisme et le consumérisme. Mi-gentillet, mi-mélancolique (très belle partition spleenique de Roger Neil), 20th century women ne parle finalement de rien d’autre que du temps qui passe (As time goes by, chante Rudy Vallée à la fin du film), mais il en parle avec un charme fou.


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mymp
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le 6 mars 2017

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